3 -Racines et Histoire de notre langue occitane 3/4

mercredi 7 septembre 2011
par  Martine Astor

L’évêque de Reims, Rémy, y voit les bases d’une alliance. Clovis, avec l’appui de Rémy, suscite une demande d’intervention de la part des évêques d’Aquitaine se prétendant persécutés. Le roi wisigoth Alaric doit alors faire déporter les évêques de Poitiers, de Saintes, d’Angoulême et de Rodez qui réclament haut et fort l’intervention des Francs. Au VIe siècle, la notion d’empire romain est encore omniprésente. Clovis attaque les Wisigoths. A la bataille de Vouillé, en 507, les Wisigoths sont battus et le roi Alaric tué. Les Wisigoths se replient au sud. Les Ostrogoths viennent au secours des Wisigoths repliés en Espagne et ne se maintenant plus qu’en Septimanie. Ils empêchent Clovis de s’emparer de la Provence. Les Ostrogoths maintiendront leur protectorat jusqu’en 549. En Espagne, le roi wisigoth Récarède se convertit au catholicisme. Désormais Hispano-Romains et Goths ne font plus qu’un même peuple.
Les évêques rebelles sont vite déçus car les Francs mettent en place des évêques à leur convenance dépendant des évêchés situés en Neustrie. C’est ainsi qu’apparaissent des noms d’évêques germaniques. Charles Martel et Pépin le Bref accentuent encore cette mainmise des évêchés par des évêques francs. Les Francs créent un évêché tampon sur les frontières de la Septimanie : l’évêché d’Arisitum dont trois évêques au moins ont des noms germaniques. Tous les trois sont parents très proches des Carolingiens.
Les Francs continuent leurs raids de pillages sur les pays au sud de la Loire. L’Auvergne et le Limousin sont ravagés entre 555 et 556, l’Aquitaine de 573 à 574, la Provence entre 581 et 583. Saint-Bertrand-de-Comminges est détruit en 585 ; l’Aquitaine à nouveau de 628 à 632.

Voici qu’intervient un facteur nouveau : l’expansion musulmane. En Syrie, la dynastie omeyade est à Damas entre 705 et 715. Elle construit la plus grande mosquée sur les plans des basiliques chrétiennes. Ainsi l’histoire de l’art démontre-t-elle l’absence de rupture mais au contraire la force et la permanence de la civilisation romaine qui trouve dans l’expansion arabe un nouveau et puissant vecteur.
Les Arabes arrivent en Espagne en 711 et chassent les Wisigoths qui ne se maintiennent qu’en Septimanie et en Provence. Les seigneurs d’Aquitaine, de Septimanie et de Provence, jouent des alliances suivant leurs propres intérêts du moment, avec les Arabes.
Les futures terres d’Oc sont alors situées entre deux pôles politiques en pleine expansion : Omeyades au sud et Francs carolingiens au nord. Charles Martel est maire du palais depuis 714. Les Arabes passent à l’offensive en Septimanie. Narbonne est pris par les musulmans en 721 et Carcassonne en 725. Toulouse résiste aux assauts musulmans en 721. Les Francs envahissent la Septimanie. Pépin le Bref assiège Narbonne pendant sept ans, de 752 à 759.
Les futures terres d’Oc qui s’étaient émancipées depuis la fin du VIIe siècle subissent ces luttes. Leurs seigneurs étaient indépendants et reconnus comme tel par les rois Mérovingiens. L’Occitanie, terre de tolérance et de respect des différences depuis le VIIIe siècle avait pour phare sans conteste Cordoue. Les terres d’Oc tirent leur originalité de cette synthèse culturelle, de ces brassages affectant l’ensemble du pourtour méditerranéen. La terre occitane tire son identité profonde dans une romanité qui se prolonge grâce aux civilisations gothique et arabo-musulmane.
Au IXe siècle, trois influences majeures pour la compréhension de la civilisation occitane s’exercent en Méditerranée : le califat de Cordoue, l’empire romain d’Orient et le domaine carolingien.
En Austrasie et Neustrie, Charlemagne règne depuis 768. Il est un roi germanique et non pas un roi de France puisque celle-ci n’existe pas encore. Après s’être emparé du royaume lombard et avec l’appui du pape, il reconstitue à son profit l’empire d’Occident en l’an 800, mais sur un espace beaucoup plus limité que sa référence historique.
Son domaine était essentiellement centré sur l’axe rhénan d’où il règne depuis sa capitale Aachen (Aix-la-Chapelle).
Charlemagne attaque les musulmans et les repousse au-delà de la Catalogne qui devient marche d’Espagne. L’évêché d’Arisitum n’ayant plus sa raison d’être, disparaît sans laisser de traces.
Charlemagne est un grand organisateur. Il place des gouverneurs dans chaque province de ses Etats. A sa mort, ses enfants vont fomenter des guerres civiles interminables pendant plus de 50 ans avec des partages successifs entre empereurs rivaux.
En 843, le dernier partage voit la naissance de la France avec Charles le Chauve. D’abord empereur puis se contentant du titre de roi de France, il n’est plus roi des Francs et abandonne ses droits sur l’empire à Lothaire et à Louis le Germanique. L’empire prendra le titre de « Saint Empire Romain Germanique » qui subsistera pendant plus de 1000 ans et sera l’éternel ennemi de la France.
Charlemagne avait imposé la suzeraineté franque sur l’ensemble des Gaules, mais la division, puis la faiblesse de ses successeurs allait favoriser un nouvelle indépendance des pays de langue d’Oc affaiblis par la nouvelle frontière de l’Empire qui séparait la Provence de la suzeraineté du royaume de France.
C’est alors que se développèrent deux Etats de langue d’Oc de puissance égale, le duché de Toulouse et le royaume d’Aragon, chacun luttant pour tenter d’imposer sa suzeraineté sur l’autre. L’Aquitaine, quant à elle, échappera au royaume de France par la bêtise de son roi et sera anglaise pendant 300 ans. Les deux puissances occitanes rivalisent au cours de guerres perpétuelles pour tenter d’agrandir leurs domaines aux dépens du voisin.
Cependant, dans ces deux puissances de langue d’Oc s’épanouit une culture et une civilisation unique, en vraie héritière de la vieille civilisation romaine. Civilisation dans ses lois et dans ses traditions de liberté.
C’est dans ces pays qui avaient vu coexister plusieurs conceptions religieuses, le vieux paganisme romain et deux religions chrétiennes plus la musulmane, que s’était établi quelque chose d’unique pour l’époque et qui allait s’appeler plus tard la liberté de conscience, c’est-à-dire le respect des idées de chacun en tout domaine : d’abord en matière religieuse mais aussi dans les mœurs, ce qui était intolérable pour les autorités religieuses au-delà de la Loire, devenues fanatiques et toutes puissantes, imposant des lois morales d’une rigueur extrême, maniant leurs intérêts contre tous et tout ce qui n’était pas conforme à leurs intérêts simoniaques.
Il y avait opposition permanente entre Eglise franque et Eglise méridionale. Cette dernière supportait difficilement la suzeraineté royale imposée par l’Eglise du nord. Lutte qui n’entravait en rien l’épanouissement de langue d’Oc avec son particularisme propre ; liberté de conscience et de paroles qui s’exprime dans la littérature et la pensée poétique des troubadours . Civilisation brillante qui fut enviée par une partie de l’Europe.
Mais les églises franques ne pouvaient pas tolérer de telles libertés proches pour elles de l’hérésie. En 1179, P. Valdès créait, à Lyon, la première église protestante qui se répandit en Provence et jusqu’en Rouergue.
Mais survint le catharisme qui allait beaucoup plus loin que les Vaudois.
C’était vraiment une religion différente bien que se basant sur les Evangiles. Elle prétendait que le monde était sous l’influence de deux dieux. Le dieu qui régnait sur le monde était le dieu mauvais. Le dieu bon régnait au ciel. C’était en quelque sorte diviniser le démon. Cependant, le catharisme avait un côté attirant car il s’opposait à une Eglise catholique très corrompue et méprisée. Il développait un idéal de pureté et de pauvreté poussé jusqu’aux limites de la vie.
Comment, dans une telle ambiance, a pu se développer en même temps la civilisation de langue d’Oc ?
Aux environs de l’an mil, naît dans les terres occitanes une civilisation marquée par des comportements, une langue, des formes de société, des attitudes religieuses spécifiques. La civilisation occitane, dont le fondement est la langue, vient d’éclore sur un territoire bien particulier. Les troubadours vont faire connaître des comportements sociaux et des choix esthétiques. Ils propagent la critique contre les abus de l’Eglise. La civilisation occitane étonne l’Europe. Dans le comté de Toulouse, toutes les formes de tolérance sont admises.
Cependant, dans l’ensemble des terres occitanes, la notion d’Etat ne pouvait pas s’appliquer pour un espace hétérogène pratiquant la même langue. La culture occitane, au Moyen Age, ne s’appuie pas sur un seul Etat, mais sur un grand nombre de petits territoires et de seigneuries différentes. Le comté de Toulouse est le véritable centre de l’Occitanie grâce à la dynastie raimondine qui a su réaliser un véritable Etat indépendant et lui donne conscience de son existence.
Au XIe siècle, l’Eglise a deux comportements en Europe : pour l’Occitanie naissante, elle est du côté du peuple afin de diminuer la brutalité des mœurs des seigneurs. Dans le royaume de France, elle est au côté du pouvoir royal. C’est dans ce sens qu’elle appuiera l’opération militaire avec la croisade contre les cathares concrétisée par une double volonté d’ordre : celle de l’Eglise et celle du pouvoir royal.
L’Eglise occitane n’était plus en mesure de lutter contre ces vagues hérétiques cependant que le peuple lui-même restait en majorité soumis à une pensée catholique intolérante et dictatoriale. Un christianisme qui était au-dessus de toute loi et au-dessus de tout pouvoir politique. Cette règle était admise comme vérité absolue.
Les désordres religieux occitans devenaient de plus en plus insupportables pour l’Eglise catholique franque. Ces désordres ne concernaient pas la majorité de la population mais seulement la plus lettrée et la plus savante. Le peuple était ignorant en grande majorité et se contentait de suivre ses maîtres. Les grands seigneurs acquis depuis longtemps au principe de liberté de conscience, se contentaient de tolérer ces diverses conceptions religieuses dans une paix réciproque.
Ainsi fut déclenchée la fameuse croisade contre les albigeois hérétiques, les cathares. La croisade fut prêchée dans toutes les paroisses au nord de la France. N’oublions pas que le royaume de France ne commençait en fait qu’au-dessus de la Loire.
Les prêcheurs présentaient les pays de langue d’Oc comme des pays entièrement hérétiques et un danger mortel pour la vraie foi. Le roi de France, prudent, se contenta d’affirmer sont antique suzeraineté sur l’ensemble des duchés des pays d’Oc et de la marche d’Espagne.
On connaît la suite : l’épouvantable guerre d’extermination contre les seigneurs occitans en profitant de leurs désunions, confondant religion et politique. Jouant même les uns contre les autres, comme le comte de Toulouse se croisant et assistant sans broncher, à la tête de ses troupes, au sac et massacre de Béziers aux côtés de Simon de Montfort.
Le comte de Toulouse se croyait suffisamment bon catholique pour faire respecter ses droits par le Pape. Il ne comprit que bien trop tard les manœuvres scélérates de l’évêque de Toulouse, le sinistre Foulque, ancien troubadour évincé par la comtesse de Marseille à qui il faisait la cour, de dépit se faisant moine après avoir abandonné ses enfants et sa femme.

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