Racines et Histoire de notre langue occitane 4/4

conférence de Louis Valès
mercredi 7 septembre 2011
par  Martine Astor

Malin, il sut se faire apprécier par l’abbé de Clairvaux qui lui obtint l’évêché de Toulouse. Quand Raimond VI comprit ce qui l’attendait, il était trop tard. Excommunié et chassé de Toulouse, il assista impuissant à la mainmise sur ses terres de la part des seigneurs français alliés de Simon de Montfort.
Le sursaut qui suivit la révolte des pays d’Oc contre Montfort fut un moment triomphant . C’est l’instant que choisit le roi pour intervenir au nom de sa suzeraineté sur le pays d’Oc. Ainsi se terminèrent mille ans de civilisation romano-occitane et l’asservissement total au royaume de France.
Cependant un minimum de représentation fut respecté par l’existence des parlements régionaux et la tolérance de l’occitan comme langue officielle jusqu’au XVIe siècle où l’édit de François Ier l’interdit dans tous les actes notariaux, suivi par l’absolutisme de Louis XIV limitant ou supprimant les parlements régionaux. C’est cette vieille lutte qui a formé la pensée occitane tolérante et avide de liberté.
C’est de tout cela, c’est de cette antique civilisation que nous sommes les héritiers, parfois sans nous en rendre compte, du moins pour les plus jeunes d’aujourd’hui.
Mais notre vieille civilisation fut toujours mal tolérée par un centralisme royaliste ou par un jacobinisme nationaliste révolutionnaire, ce dernier étant encore plus intolérant et néfaste pour notre langue en imposant une histoire de France inique dans ses mensonges. Une histoire qui n’explique pas comment fut formé la France d’aujourd’hui au cours des siècles, véritable fédération de provinces qui avaient monnayé leur entrée dans le royaume en préservant le maximum de leurs franchises.
C’est bien la vieille civilisation occitane dont nous sommes toujours imprégnés qui forge notre « moi » profond, par exemple pour notre penchant pour des idéaux politiques ou le succès que connut en son temps le protestantisme.

Conclusions

L’évolution de la langue d’Oc aux alentours de l’an mil permet de déterminer dans le temps le début de la civilisation occitane, d’après les héritages fondamentaux laissés par la civilisation romaine. Rien n’a disparu de l’héritage romain entre le Ve et le Xe siècle.
L’islam qui s’installe dans la péninsule ibérique apporte une civilisation raffinée enrichie des héritages helléniques et romains.
L’Eglise romaine règne sur l’Occident européen et propose un idéal moral, social et politique que les troubadours récusent.
Par leurs actions, les troubadours, non seulement fondent une littérature, mais exaltent une civilisation particulière.
L’Occitanie doit aussi ses origines à la vision contestataire et originale du monde de la société au cœur du Moyen Age. Elle n’a cessé depuis d’affirmer son particularisme.
Elle n’a jamais constitué dans l’histoire une entité politique cohérente tout en demeurant une aire culturelle majeure de l’Europe ayant perdu au fil des siècles la maîtrise de son destin économique et culturel.
Pour saisir les péripéties de l’évolution de la complexe civilisation occitane, il est nécessaire de mettre en relation les multiples influences extérieures avec les phénomènes occitans dans leur ensemble.
L’Occitanie constitue aujourd’hui une marche géographique. L’espace occitan intégré dans le territoire français rassemble la plus importante minorité ethnique de l’Europe occidentale.
Le terme d’Occitanie existe depuis le Moyen Age bien qu’aucune limite précise n’en ait été donné.
Aux XIVe et XVe siècles, l’administration française employait le mot « Occitanie » pour désigner les pays de langue d’Oc. En 1357, les Etats siégeant à Toulouse s’intitulent « Republica de lingua Occitana ».
Les expressions de « langue régionale » sont aussi dangereuses pour l’occitanisme que les contraintes imposées par le centralisme français. La notion de « culture régionale » proposée par l’Etat est évidemment réductrice et dangereuse car elle établit une hiérarchie par rapport à la culture dominante.
A l’époque féodale, la force de la civilisation des troubadours est de plaider la cause permanente de l’amour. Cette attitude a pu paraître anticléricale dans un contexte de civilisation où les mœurs du clergé occitan allaient justifier contre eux l’organisation d’une croisade. Le plus bel exemple nous est fourni par le curé de Montaillou, le fameux village occitan étudié par Le Roy-Ladurie.
Ce curé est à moitié cathare. Il est l’amant de la châtelaine et s’octroie le droit de cuissage envers toute nouvelle épousée. Les maris, très jaloux quand il s’agit de leurs épouses, trouvent cela tout à fait normal quand il s’agit de leur curé.
Pour les troubadours, l’amour provient de l’homme et de la nature. Il tend à rendre hommage à la dame qui incarne le plaisir. La poésie des troubadours s’oppose à la doctrine de l’Eglise qui défend la valeur supérieure de Dieu.
En outre, ils proclament des comportements de paix dans un monde de violence. Le mot clé de cette société est sans doute dans le terme « Paratge » fondé sur la noblesse de cœur à l’opposé de la noblesse féodale qui exprime la force.
En 1356, « Les leis d’Amor » proposent en fait une langue unique normalisée qui se considère déjà menacée. La croisade contre les Albigeois et la désastreuse bataille de Muret allaient conduire à une francisation progressive de la société.
Le remplacement des seigneurs occitans par la féodalité française faisait disparaître la protection des troubadours.
La croisade contre les Albigeois (1209–1246) a entraîné un grand moment de destructions dans l’Etat toulousain. Les châteaux sont brûlés et toutes leurs archives.
Le pouvoir royal appuiera l’Eglise pour extirper l’hérésie. Les ordres religieux mettront en place la terrible Inquisition.
Cependant, bien après le rattachement des Etats du sud à la couronne de France, les provinces continuent à disposer d’une réelle autonomie. Provence, Limousin, Gascogne, Languedoc, Auvergne ont représenté des entités autonomes jusqu’à la Révolution centralisatrice de 1789. Jusqu’à cette date, la véritable France n’existait qu’à partir de la rive droite de la Loire. C’est encore ce que mentionne Dom Vaissète dans son « Histoire du Languedoc » parue sous Louis XV.
Il y a un relatif abandon du sud du royaume : ce qui a permis à la conscience occitane de perdurer grâce au maintien des particularismes locaux profitant des lents effets de la francisation.
La croisade des Albigeois a été pour l’Occitanie un élément majeur dans sa formation identitaire. La résistance à l’envahisseur, qui ne parlait pas la même langue et qui appliquait d’autres conceptions de la religion chrétienne, a réellement contribué à la prise de conscience occitane.
La civilisation occitane est née aux XIe et XIIe siècles sur le fondement d’une double hérésie : l’hérésie morale a caractérisé une jeunesse indocile dans une société particulière. Les modes exotiques de l’Andalousie ont déterminé ceux des troubadours qui s’élèvent contre les carcans imposés par l’ Eglise . Seconde hérésie (d’ordre religieux) : c’est le développement rapide du catharisme avec ces comportements qui n’étaient pas tolérables pour l’Eglise et la royauté.

Revenons à notre langue. Frédéric Mistral dit ceci : « Un peuple qui abandonne sa langue et les traditions de son père ne mérite que de mourir sous les pieds des usurpateurs. »
Aujourd’hui où les locuteurs occitans se raréfient devant l’âge, n’est-il pas bon de rappeler à nos enfants d’aujourd’hui le devoir qui est le leur. Devoir que nous leur laissons de se pencher avec un peu plus d’intérêt sur leurs racines occitanes ? Occitans, ils le sont par leur accent toujours actuel, par les locutions qu’ils sont seuls à employer et qui font la saveur de notre petite patrie.
Parler occitan, ou du moins, faire un effort pour le comprendre et apprendre à le lire, n’est pas anti-français. Français, nous le sommes depuis 800 ans, mais nous avions conservé notre langue vivante pendant près de 700 ans. Il a fallu un jacobinisme forcené, un nationalisme d’un autre âge, pour déclencher la lutte à mort contre toutes les langues provinciales en niant leurs racines profondes qui ont peu à peu construit la France d’aujourd’hui. Chaque région française a gardé son accent propre.
Curieusement, la seule région française où l’on parle le plus mal le français, est la Région parisienne où, à force de « parler pointu », le parler devient de plus en plus inaudible pour tous les provinciaux que nous sommes.
N’est-il pas curieux qu’à part le speaker des radios ou télés, dès qu’on veut écouter les artistes de théâtre ou de cinéma, il nous faut faire un sacré effort de méninges pour arriver a comprendre quelques bribes de leur charabia.
L’occitan est une langue magnifique, avec une infinité de mots qui reflètent toutes les nuances de notre pensée et des sensibilités profondes propres à ce pays occitan, notre vraie patrie.
Le français est la langue officielle de toutes les régions de France. Il est vrai qu’il est très agréable de parler français aux quatre coins de l’Hexagone, bien que parfois, nous nous sentions un peu gênés devant les regards moqueurs que provoque notre accent dit « rocailleux ».
Oui, nous nous régalons d’écouter parler les Provençaux car nous sommes leurs frères. Il y a une chaleur du cœur qui ne trompe pas.
Nous n’avons pas à rougir de notre accent, au contraire, nous devons en être fier car il est le seul lien qui nous unit encore à nos racines, à tous nos aïeux qui ont peiné et construit ce pays. Ces aïeux qui ont forgé son histoire, une histoire que tout occitan doit apprendre et connaître car elle ne figure pas sur l’histoire officielle que nous avons reçue à l’école de notre république « une et indivisible », dernière formule pour refuser encore aujourd’hui la reconnaissance de notre langue.
Jusqu’à quand des politiciens aveugles, sourds et ignares maintiendront-ils cette absurdité face à une Europe qui a depuis longtemps reconnu officiellement toutes les langues régionales qui ont construit l’Europe d’aujourd’hui.
Et Castela termine ainsi : « La France pourrait être multiculturelle sans craindre de perdre son originalité et de disparaître. L’Europe en fournit de multiples exemples.
Occitanie ! terre de solitude, parfois de déserts, d’espaces abandonnés à la suite de la crise économique. »
L’Occitanie pose la question de son droit à sa différence et à son existence même.
Tandis que sur le territoire de la république française flottent les drapeaux breton, basque, alsacien et corse, la croix occitane, bannière emblématique de la dynastie raimondine, pourrait recouvrir plus de trente départements français, et ose à peine s’afficher de Toulouse à Montpellier, de Bordeaux à Limoges, de Clermont à Marseille et Nice.
Pour quelle raison un peuple ne peut-il plus se reconnaître aujourd’hui derrière une bannière symbolique ? Le veut-il vraiment ?

Louis VALES

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