1 - Conférence Claude Lacombe 1/4

Le meuble en Aveyron - Les ébénistes et menuisiers millavois
mardi 9 août 2011
par  Martine Astor

Sous l’égide le la Société d’Études Millavoises, Claude Lacombe a donné une conférence, le vendredi 4 février 2011 à 18h 30 au CREA sur le thème : Le meuble en Aveyron. Les ébénistes et menuisiers millavois.

Claude Lacombe durant sa conférence

Comment Millau petite cité éloignée des grands centres de fabrication de mobilier, a pu, durant plus d’un siècle, développer et maintenir l’activité du travail du bois et particulièrement celle de la fabrication du meuble ?

Millau ses gants ses cuirs ses meubles.

sigle postal

De nombreux ouvrages ont été dédiés à la peausserie, à la ganterie mais nous n’avons que très peu de documents concernant l’ébénisterie millavoise.
Dès 1930, la flamme postale millavoise nous rappelle l’importance de cette activité.
Conscient de ce manque, notre président Georges Girard nous a invité à le combler.
Comment Millau, ville moyenne ouvrière, éloignée des grands centres, a su, au cours de ce XXe siècle, se prévaloir de la réputation d’une ville où « l’on fabrique du beau meuble ». On le doit :

  • 1) à la matière première, le bois de noyer de très bonne qualité et en quantité importante dans nos vallées ;
  • 2) au dynamisme de l’industrie de la peau et du gant à Millau ;
  • 3) à la forte mobilisation des professionnels de l’industrie du bois ;
  • 4) et enfin à la fidélité que la clientèle millavoise a accordée à ses fabricants locaux.

La matière première : le bois

Dans la région, le noyer est cultivé à la fois pour ses fruits et pour la production d’huile.
C’est une essence qui est très appréciée en ébénisterie et particulièrement le bois provenant de nos vallées du Tarn, de la Dourbie, de la Muse ou du Cernon.
Ces noyers dont l’exploitation s’avère assez facile sont de très bonne qualité ; bien veinés, ils se prêtent bien à la fabrication de placage.
Les exploitants de bois récupéraient en premier, la souche qui, après débitage, donne la ronce de noyer, très prisée par les marqueteurs.
C’est dans le tronc que l’on débite les plus belles planches qui seront utilisées. Les grosses branches dites branches maîtresses appelées aussi surbilles, sont destinées à la fabrication de petits meubles et enfin les branches plus petites seront employées par les sabotiers pour la fabrication de sabots ou de galoches.
Parmi d’autres essences régionales on trouve : le chêne, le vergne, le hêtre, le platane, le châtaignier.

  • - Le chêne, dans notre région, a trop d’aubier et n’a pas la qualité requise pour l’ébénisterie, car seul le cœur est utilisable.
  • - Le hêtre est employé plus spécialement pour la fabrication de sièges.
  • - Le platane et le châtaignier sont utilisés généralement pour les intérieurs et les étagères.

La profession au XIXe siècle :

Jusqu’au XIXe siècle, on trouve à Millau de nombreux artisans menuisiers travaillant seul dans de petites échoppes ou aidés par un apprenti. Un établi, un stock de bois, un foyer pour la colle à chaud et les outils manuels indispensables composent leur fond de commerce. Ils n’ont pas encore accès aux machines-outils et n’ont à leur disposition qu’un outillage manuel avec lesquels ils exécutent tous travaux de boiserie, fabrications de portes et fenêtres, ainsi que des travaux d’intérieur comme la fabrication de meubles simples. La clientèle recherche un mobilier pratique pour le rangement et se soucie peu de son esthétique laissant à l’artisan le soin de la décoration. Celui-ci reproduit au mieux certains modèles qu’il a mémorisés. Les motifs de décoration que l’on trouve sont simples et très naïfs : le menuisier n’est pas un sculpteur ; la plupart du temps ce sont des formes géométriques, rosaces, végétaux stylisés. Ces décorations sont exécutées avec l’outillage rudimentaire du menuisier de campagne qui privilégie la solidité de l’ouvrage à l’esthétique du meuble. Ces meubles sont fabriqués à partir d’essences de bois dur provenant du proche environnement : châtaignier, noyer, chêne, hêtre, merisier etc. et du bois plus tendre comme le pin ou l’aulne. Dans les fermes on faisait appel au menuisier pour tout travaux touchant le bois ; l’artisan se déplaçait avec son outillage et prenait pension chez le client.
Les propriétaires commençaient à faire abattre les arbres par des bucherons et ils faisaient débiter les grumes en planches de différentes épaisseurs par des scieurs de longs. Ces planches sécheraient le temps voulu ; il ne fallait surtout pas employer un bois insuffisamment sec, il s’en servirait plus tard pour la fabrication du mobilier dont la famille avait besoin. Dans ces fabrications campagnardes on trouve très souvent un mélange de diverses essences de bois. Ce n’était pas fait volontairement mais le menuisier fabriquait le meuble avec le bois dont il disposait ou que le propriétaire lui fournissait. Le fabricant prenait soin de réserver le meilleur bois pour la façade ou les côtés ; par contre, pour les intérieurs ou les derrières des meubles, il employait du bois de moindre qualité. Si les parties apparentes étaient relativement bien finies, par contre ce n’était pas le cas pour le reste du meuble.
A la fin du XIXe et au début du XXe siècle avec la mécanisation, la fabrication s’en trouve changée. Les premières machines comme la dégauchisseuse, la raboteuse, la mortaiseuse libèrent l’ouvrier de la manipulation pénible, et permettront aussi d’obtenir un travail bien fini.
Les grands centres parisiens commencent à éditer des catalogues qui, diffusés sur tout le territoire, informent la clientèle provinciale des modèles en vogue. Nous sommes en pleine période où le style Louis Philippe est à son apogée ; ce style sobre, simple, est apprécié en province. Facilement réalisable par un bon menuisier ces meubles équiperont la quasi-totalité des modestes logements régionaux, particulièrement à Millau avec son célèbre buffet millavois.

Buffet millavois

Le buffet millavois, quelle en est l’origine ?

Les renseignements recueillis sont plutôt vagues ; on raconte qu’un Hollandais fabricant d’harmoniums en serait l’initiateur. Ne pouvant vendre ses instruments, il aurait transformé leur caisse afin d’en faire un petit meuble. Si on regarde bien la forme de ce buffet, on peut très bien y voir l’origine de cet appareil musical, le haut servant de logement au clavier a été fermé et transformé en maie ; il ajuste deux petites portes là où devait se loger la soufflerie et avec l’ajout d’une étagère, il en fait un espace pour le rangement. Ce qui conforte cette hypothèse, c’est la dimension : la même pour tous les modèles. Son origine remonterait au début du XIXe siècle. Sur certains buffets, la maie a été remplacée par un tiroir. Pour quelques puristes, ces modèles transformés n’auraient pas droit à l’appellation de « buffet millavois ». Nous ne pensons pas que cette modification puisse nuire à cette appellation ; en effet la maie originelle s’est avérée rapidement peu pratique pour le stockage de certaines denrées. On disait qu’il n’était pas possible d’y loger une bouteille de vin… (Notez bien que le problème est le même avec le tiroir) ; de plus, à cause de l’ouverture du couvercle, on ne peut rien déposer sur le dessus, donc le tiroir à cet emplacement a très rapidement remplacé la maie. On trouve de ces nouvelles fabrications dans le premier quart du XIXe. Cette transformation s’est faite très rapidement et n’entraîne aucune modification sur la structure du meuble ; on peut donc considérer que ce buffet avec tiroir peut bénéficier de l’appellation de « buffet millavois ».
Un peu plus tard, les menuisiers y ont adapté un corps du haut, soutenu par deux colonnettes, ce qui permet de libérer le dessus du buffet.
On ne peut parler du buffet millavois sans parler de la table de vigne : cette table est très simple, en bois ordinaire avec un piètement en bois dur. Le dessus en bois de pin se rabattant verticalement lui permet de se loger très facilement dans un recoin de l’unique pièce des maisons de vignes.
Avec le meuble campagnard se fabrique aussi un genre de meuble dit provincial qui est destiné à la clientèle bourgeoise, ce type de meuble bien fini est fabriqué par de vrais ébénistes avec du bois de la région. Leur réalisation est très soignée dans le style d’une époque définie : Régence, Louis XVI, par contre les éléments décoratifs font référence à la région : provençal, bourguignon, etc.

style Régence


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