Robet Taurines - Souvenirs de l’avenue Jean-Jaurès

lundi 30 janvier 2012
par  Martine Astor

Ateliers de la Société d’Études Millavoises

Souvenirs de l’avenue Jean-Jaurès
Texte Robert TAURINES

Ce n’est pas sans émotion que nous publions aujourd’hui ces derniers textes que nous avait confiés Robert Taurines récemment disparu.

Le garage et le chien

Alfred Mouysset note que le propriétaire du garage dont parle Robert Taurines s’appelait Combes et avait la concession des voitures Simca. C’est là qu’il acheta sa première voiture (Publicité Combes, documentation Michel Arlès).

Face au magasin d’armurerie – coutellerie de mon père, à l’angle justement de cette impasse de la Tine et de l’avenue Jean-Jaurès, il y avait une petite boucherie et un grand garage dans lequel on vendait cette petite voiture à laquelle on avait donné le nom d’un oiseau aussi petit que sobre l’Aronde » ; la publicité disait même qu’elle avait un « appétit d’oiseau » et qu’elle ne coûtait, à l’époque, que 9 900 Francs.
Il y avait, dans ce garage, presque sur le trottoir, une fosse qui permettait aux ouvriers de travailler sur la face postérieure des voitures, entre les quatre roues, sans être obligés de prendre des positions difficiles et fatigantes.
Les chiens du quartier avaient senti la bonne odeur des pneus chauffés au soleil et avaient pris du plaisir à venir contre ses roues, l’odeur et la chaleur attirant, vider leur vessie. Placés en bonne position ils lâchaient un pet rapide et précis qui envahissait la fosse et arrosait copieusement les occupants. Ceci s’était produit plusieurs fois, et n’étant pas très agréable, les occupants décidèrent alors d’une réplique. Il la fallait rapide et précise. L’un d’entre eux était chargé de remplir un seau d’essence et d’être prêt à lancer avec force et rapidité la totalité de ce seau sur l’objet qui, précisément les menaçait. En effet, dès que l’attaquant se présenta, on lui laissa le temps de choisir sa position et dès qu’on aperçu les premières gouttes de la pluie, le schpountz se précipita et levant le seau bien haut envoya rapidement la charge d’essence sur l’objet menaçant. Des cris horribles se firent entendre et, se retournant brusquement, l’attaquant pris sa course et partit vers un asile plus serein. Il choisit le magasin de son maître Pagès, le charcutier et, dès son entrée, criant sa douleur, pour l’apaiser aussi, il sautai, courait, hurlait, faisait aussi sauter les plats de charcuterie si noblement préparés et présentait un tel aspect qu’on aurait dit un champ de bataille après l’attaque. Le moment était si tragique que la fille de monsieur Pagès se rappelle avoir entendu son père dire à l’attention de son frère Max : « Va chez Taurines lui dire de venir avec ce qu’il faut pour tuer le chien ; il est devenu fou ! ». Inutile de vous dire que mon père ne se déplaça pas ; il lui aurait été impossible à lui, si bon chasseur, de tirer sur le compagnon de ses joies, de ses plaisirs, avec lequel il avait partagé de si bons moments pour l’étendre, sans vie, sans connaître la sanction et si elle était valable. On ne sait s’il apprécie encore les roues de voiture et s’il sait les choisir si bellement placées au-dessus des fosses des garages…. Heureusement pour lui, il court toujours.

Le garage se trouvait à l’emplacement de l’actuel commerce Cache-Cache, 4, avenue Jean-Jaurès. La boucherie faisait coin avec la Traverse de la Tine (photo Martine Astor).

Le boucher et le rat

Sur le même plan que le garage, il y avait dans cette maison, et toujours à l’angle de l’impasse de la Tine, une boucherie, oh ! petite elle, fermée par deux contrevents peints en rouge et se fermant de l’intérieur. Le boucher était petit et sa femme Mélie était corpulente. Au bord du trottoir, et dans le caniveau de la route, il y avait l’issue d’un égout fermé par une grille de fer. Mon père avait l’habitude de surveiller de sur la porte de sa boutique la sortie de la gent ratine qui, de temps en temps, sortait par cette issue et, si rien ne la dérangeait, faisait quelques pas le long de ce caniveau. On entendait alors une voix assourdie mais précise qui disait à l’occupante des deux contrevents « Mélie, ferme un peu tes portes ! ». Alors, de sur la maison d’en face, à la hauteur même du trottoir, partait un petit bruit sec et synchro et, de l’autre côté de la rue, dans le caniveau, une vie si peu appréciée s’écartait sans avoir pénétré dans l’antre du boucher dans lequel on aurait trouvé tant de choses à s’emplir. Et pourtant, il faut que tout le monde vive.

Témoignages d’Alfred Mouysset

De la place de la Tine, je me souviens que celle-ci était bordée de l’hôtel Cinq d’un côté ; au fond se trouvait l’hôtel de la Fontaine et de l’autre côté, le café Hébrard. Toutefois, dans les murs de l’hôtel Cinq, il y eut, un temps, un marchand de cycles, un petit magasin. En suivant la rue du Sacré-Cœur, juste au départ de la rue qui rejoint la rue de la Fraternité, il y avait un autre petit magasin de vente d’objets religieux. A part, évidemment, l’école du Sacré Cœur, je ne me souviens plus d’autres activités dans cette rue. À cette époque je devais avoir 9 ou 10 ans, ce qui nous ramène en 1938-39.

Au sujet du « Cheval Pompon et monsieur Tournemire »

… Je me souviens de M. Tournemire car il passait régulièrement avenue Jean Jaurès avec son cheval Pompon et sa charrette chargée de divers légumes. Certaines personnes disaient qu’il lui avait appris à faire tourner les fontaines que nous avions autrefois afin de pouvoir boire. Je ne l’ai jamais vu faire cela mais certains prétendaient l’avoir vu. Je garde de M. Tournemire le souvenir d’un homme calme, convivial et gai.
A ce titre, le cheval Pompon fait partie (sous le nom de Petit) des Souvenirs Millavois (Remembres Milhautencs) 1977-1978, où l’on appréciera l’imagination débordante de nos compatriotes : « Il y a 40 ans, Petit, le cheval savant de Tournemire de la Tine faisait courir tous les enfants de Millau pour le voir taper du sabot à la porte de son écurie pour rentres, faire tourner les fontaines à tourniquet pour boire et se laver les dents ou encore danser la polka quand il entendait l’instrument de son maître (une petite flûte de Pan ? un ocarina ?) avec lequel il annonçait son passage dans les rues de Millau. » (traduction du texte Caval, ase e miòl… Bestia de tot piòl).


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