Robert TAURINES- Le cheval Pompon et monsieur Tournemire

mardi 31 janvier 2012
par  Martine Astor

Ateliers de la Société d’Etudes Millavoises

Le cheval Pompon et monsieur Tournemire

Texte Robert TAURINES

Photo Martine Astor
Maison natale et emplacement de la boutique paternelle (photo Martine Astor).

Le soir, après le dîner, vers vingt heures trente, mes parents et moi attendions, venant de la rue, la petite musique acide et pénétrante de l’ocarina du père Tournemire qui, après le travail, venait donner à son cheval Pompon un repas bien gagné à avoir tiré à longueur de journée la lourde charrette chargée de tous les légumes que les gens de la campagne venaient porter au marché ou aux épiciers de la ville.

Emplacement de l’écurie de Pompon, traverse de la Tine (Photo Martine Astor).

L’écurie dans laquelle il faisait reposer son cheval était située dans l’impasse de la Tine qui s’ouvrait sur l’avenue Jean-Jaurès juste en face de la maison qu’habitaient mes parents. Nous descendions et allions vers lui, vers le milieu de cette petite rue qui se prolongeait après dans les deux sens par la rue de la Tine. La charrette était attelée et déjà presque entrée dans l’écurie ; il fallait aider monsieur Tournemire à la ranger dans son recoin habituel. La chose était promptement faite : pensez ! avec des aides tels que mon frère et moi ! Il fallait ensuite penser à Pompon, l’étriller, le rafraîchir, lui donner sa ration d’avoine, de foin et faire sa litière de paille pour la nuit. Ce travail de confort étant terminé, il restait à monsieur Tournemire à conseiller à son cheval, son compagnon de travail, de parfaire cette préparation nocturne en allant « se laver les dents ». Dès que l’injonction était lancée, Pompon obéissait sur le champ en prenant à pas mesurés la direction de la Tine, et de son pas pesant mais sûr d’atteindre la vasque octogonale qui, à longueur de journée s’était remplie, et qui dégageait dans la lourdeur du soir sa fraicheur accumulée. Pompon enfonçait ses naseaux dans cette onde de fraîcheur, de bonheur, jusqu’à presque immerger ses yeux. Il relevait alors sa tête et, les narines dégoulinantes, commençait le trajet de retour vers l’écurie accueillante et confortable dans laquelle il allait prendre son repos bien gagné et peuplé des rêves accumulés au cours des aventures de la journée : mésange étant venue raconter sa musique près de son oreille, ou voiture sans gêne ayant frôlé son attelage ou bien encore ces irritants moineaux venus picorer le crottin.
En arrivant vers sa reposante résidence, il restait à remercier et dire bonsoir à ce merveilleux patron qu’était pour lui monsieur Tournemire. Il venait poser sa plantureuse et lourde mâchoire sur l ‘épaule de ce maître attendrissant et charitable à qui il devait tant . Tant d’affection et de bons soins à qui il rendait en échange tant de services incalculables et spontanés.
La literie de paille étendue, Pompon remisé dans son coin, la petite lumière apaisante allumée, tout était prêt pour la nuit, la bonne nuit reposante et silencieuse qu’il appréciait en agitant de temps en temps ses lourdes épaules pour les détendre et leur rendre un peu de souplesse.
Bonne nuit Pompon !... bonne nuit monsieur Tournemire !...


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