JUIN 2012 A L’ECOLE CLAUDE PEYROT

mardi 3 juillet 2012
par  Martine Astor

JUIN A L’ECOLE
CLAUDE PEYROT

La Carrièra Drecha

C’est aujourd’hui la fin du long poème de Louis Julié écrit en 1830. Il termine sur une note d’amertume de voir le commerce de cette rue concurrencé par la halle.

  • Lo magazin del vièlh Silvèstre,
  • Dels capelièrs èra lo mèstre ;
  • Vendiá de las casquetas de seda
  • Que se tenián coma una cleda,
  • Quand las aviatz mesas sul cap.
  • Saique uèi l’òm n’en vei pas cap.
  • Gràcia al còr de Malzac Clarissa,
  • De l’espital la benfaitora,
  • Cofava los espitalièrs,
  • Èra lo rei dels capelièrs.
  • Per far mossar la sabonada,
  • Aviam lo parruquièr Borgada :
  • De prèp èretz totjorn rasats,
  • E los pels fòrt plan copats.
  • Aquí finís la passejada,
  • De la carrièra renomenada.
  • ………………………………
  • Le Conselh de Comuna un jorn,
  • Trobant qu’aviam un quartièr lord1,
  • Per donar mai d’aire a la vila,
  • E per la far pus polida,
  • Decidèt de far sens retard,
  • Un supèrb, un grand baloard,
  • E coma dins la capitala,
  • D’i metre a costat un mercat cobèrt ;
  • Lo comèrci se desplacèt ;
  • La carrièra drecha i perdèt.
  • An delaissada la paura anciana,
  • Aquò’s totjorn la meteissa antifònia.
  • « Tal que ritz del vesin e de son patiràs,
  • Se dobta pas sovent qu’aitant ne li penja
  • Al nas. »
  • Loís Julié

1. Lord occitan est un faux ami et ne répond pas à « lourd » français qui se traduit par pesuc. Pourtant lord occitan et « lourd » français ont la même étymologie : le latin luridus « blême, livide, plombé » qui, d’une part est passé en occitan et en italien au sens de « sale » par l’idée de « pas net, d’une couleur pas normale » et d’autre part est passé en français au sens de « pesant » (un peu avant le XVIIe siècle) par l’idée de « qui a le vertige » au sens psychologique d’empoté, lourdaud aboutissant « grossier » et « lourd » au propre comme au figuré.
En ancien français, les textes des XIIe- XIVe siècles donnent pour lord / lort le sens de « niais, idiot, stupide, lourdaud ».

La rue Droite

  • Le magasin du vieux Sylvestre,
  • Des chapeliers était le maître ;
  • Il vendait des casquettes de soie
  • Qui se tenaient comme une claie,
  • Quand vous les aviez sur la tête.
  • On n’en voit plus guère aujourd’hui.
  • Grâce au grand cœur de Clarisse Malzac,
  • De l’hôpital la bienfaitrice,
  • Il coiffait les hospitaliers.
  • C’était le roi des chapeliers.
  • Pour faire mousser le savon,
  • Nous avions le perruquier Bourgade,
  • Vous étiez toujours rasés de près,
  • Et les cheveux fort bien coupés.
  • Ici finit la promenade
  • De la rue renommée.
  • ………………………………………
  • Le Conseil municipal un jour,
  • Trouvant que nous avions un quartier sale,
  • Pour donner plus d’air à la ville,
  • Et pour la faire plus jolie,
  • Décida de faire sans retard,
  • Un superbe, un grand boulevard1,
  • Et comme dans la capitale,
  • D’y mettre à côté une halle2 ;
  • Le commerce se déplaça ;
  • La rue Droite y perdit :
  • Ils ont délaissé la pauvre ancienne,
  • C’est toujours la même antienne.
  • « Tel qui rit du voisin et de sa souffrance
  • Ne se doute pas souvent qu’autant lui pend
  • Au nez. »
  • Louis Julié

1. La rue de Coussergues.
2. La construction de la halle est terminée en novembre 1898. Elle est inaugurée en janvier 1899 (source : Jules Artières, Millau à travers les siècles). Louis Julié avait alors 22 ans. Le poème La Carrièra Drecha a été écrit une trentaine d’années après.

Portrait et initiales de Claire Malzac (portrait : extrait de Des rues et des hommes, p. 167) (photo-montage Martine Astor).

Clarisse Malzac

Louis Julié a pu connaître Clarisse Malzac, mais il était enfant. A l’époque évoquée par le poète, elle était décédée. Elle mourut à 82 ans, en 1890.

Cinquième enfant de Jean-Gabriel Malzac, orfèvre, et demoiselle Vaissière, Clara – dite Clarisse Malzac – naquit au n° 4 de la place Lucien-Grégoire et récemment acquise en 1806 des héritiers de Louis Guiraud, un avocat dont les initiales L.G. peuvent se voir sur la grille en fer forgé du balcon.
Pieuse et généreuse, c’est grâce à ses dons, joints à ceux de l’abbé Joseph Rouquette, l’historien de Millau, qu’en 1876 et 1888 furent élevés les pavillons de l’hospice dont l’un servit longtemps de salle de bains et dont l’autre fut occupé par la loge du gardien et la sacristie de la chapelle. De concert avec son frère, elle fit bénéficier ce même hôpital de dons successifs (40 000 francs de l’époque). On lui doit aussi la belle grille qui orne l’entrée de l’établissement. Aussi son nom et celui de son frère sont-ils inscrits sur les tables de marbre des bienfaiteurs de l’hôpital-hospice.
Par ailleurs, chrétienne au grand cœur, Clarisse Malzac a contribué à doter le sol de Notre-Dame, sa paroisse, de la belle mosaïque, due au Montpelliérain Pellerini. Ses propres initiales, C.M., inscrites dans un cercle et figurant à même cette mosaïque à l’entrée de l’église, à l’avant de la porte intérieure, rappelle désormais cette libéralité.
De même, dans la tour octogonale de style toulousain de la vieille église de l’Espinasse, une cloche qu’elle avait offerte et dont elle fut la marraine porte inscrite dans son bronze son prénom de Clara.
(texte adapté de la notice des pages 137-138 sur Claire Malzac,
de Des rues et des hommes, Georges Girard 1987).

Les chapeliers 20 ans après, en 1912

20 ans après, en 1912, selon l’édition des Guides Méridionaux (documentation Michel Arlès), Jules Bourgade est toujours coiffeur au 1, rue Droite. Par contre, aucun souvenir du chapelier Sylvestre.
C’est toutefois le 5e chapelier de la rue Droite cité par Louis Julié pour 1892, après Charles Caussignac au n° 8, Antoine Jammes au 12, Jules Dhombres au 35, et Antonin Escorailles au 38.
En 1900, ils étaient toujours 5 : Caussignac, Dhombres et Escorailles sont encore là. Hippolyte Jammes a succédé à Antoine Jammes. Et Louis Costes est un nouveau venu au 3, rue Droite.
Cela donne une idée de la vente de chapeaux et casquettes à cette époque. Néanmoins, il faut noter que Louis Julié se plaint, en 1930, de la baisse notable des ventes de casquettes.


IVES ROQUETA

60 ans de creacion occitana

mòstra realizada per l’Associacion CAP l’ÒC
e l’Ostal de la Memòria de Sant-Africa
(concepcion Ives Roqueta e Patric Cofin)

a l’Ostal de la Memòria de Sant-Africa
6, plaça Paul Painlevé, 12400 Sant-Africa

del 8 de junh de 2012 al 10 d’agost

(del dilus al divendres
9 h 30 – 12 h --- 13 h 30 – 17 h 30)
Entrada gratuita

YVES ROQUETA
60 ans de création occitane
Exposition à la Maison de la Mémoire
6, place Paul Painlevé, 12400 Saint-Affrique

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Une histoire de Prospérou

Le français tel qu’on le parle à Nagassac

Notre félibre Louis Valès se plaît parfois à écrire un français plein de surprises. Ce style dont il a le secret est fait de français occitanisé mêlé d’occitan francisé où se retrouvent parfois des tournures courantes que chacun entend dans la rue. Cette langue où se rencontre aussi le plus pur argot, est particulièrement propice aux liaisons les plus inattendues et aux hilarantes mécoupures.

L’autre dijoou, moi Prospérou de Nagassac, je m’étais tallé passéjer par les carièires du vilatjou que j’aime si tant.
Quand je te suis arrivé en devant de l’oustal de l’Arnest, de de quoi que je bèje ? les ripatons de l’Arnest qui espintchait d’en dessous de son toumoubile.
Ça ma estomaqué et je lui ai bramé « de de quoi tu saganèjes d’en dessous ton embaouré1 l’Arnest ? »
Il a roundiné « j’estaque le tudel de l’escampadouire avec un fil d’éran », puis il a dit « espère-moi, j’ai acabé » et il s’est espeltiré pour se démarguer d’en dessous.
Il m’a dit « Prospérou ça m’agrade de te veire que y a que toi pour japer comme cal le bon français de Nagassac ».
Alors moi j’ai dit « j’ai pas rés comprés ; de de quoi c’est que ce tudel de l’escampadouire ?
- Hé bé c’est ça que notre Andrénou, nostre mécaniquaire il sonne le pot d’escapement, tu sais, le tudel que quand tu veux que les chevals de ton toumoubile ils pètent plus fort, tu escraches le moussolou et il te sort par ce tudel une fumarasse blanquasse qui pu missant, mesme que l’autre jour quand j’ai despassé ce frapi de Janou, j’ai vist dans le miral de la viste de darier que de la main dretche il s’escalafait le nas et qu’il brandissait l’autre main comme pour faire enfugir les mousques. »
Alors j’ai dit « comment ce malastre il t’est arrivé ? »
Il a dit « afigure-toi que je vingait plan tranquilou du mercat du divendre à Milhau quand, au viradou de Cure Plat, je te vois une voiturasse négrouse qui vengait comme un lious2 de dessus le pont, elle a trescoumpassé l’estop et moi que j’étais déjà engané, hé bé j’ai escratché tant que j’ai pu le moussalou, tè ! que urousement que la route elle était sèque que si elle avait trespalée je t’aurais fait une escarlimpette que je me serai espouti contre cette carogne de voiturasse négrasse, hé bé c’est là que le tudel de l’escampadouire il s’est démargué et que je suis darrivé à Nagassac dans un tarrabastal de tous les diaples. »
C’est là que le Marc de Beaussoulier il a biré dans la cafetière.
Que la cagnette de Janou Troismolet elle ta eu une paour tarriple et qu’elle s’est métude à bramer le douple plus fort que quand les campanes elles se délarguent.
Que Nounours il a espélit 3 à fond de train de son antre.
Que le chien de Charlou Lebeau il a fait sa même en bramant.
Que l’apotiquaire il a espintché pour de voir s’il fallait pas sonner les pompiers.
Que le Ricou Bébézit il s’est frété les mains en disant « ba plan, encore une antiquaille qui me darrive ».
Que le reire enfant du Mascarou il a bramé « je t’en veux plus de ces antiquailles ! que j’en ai l’estaplé coumoule…. »
Dommage que le Lulu Déanché il se soit enfugit de Nagassac que on l’aurait ausit bramer jusqu’aux Capounes.
Et c’est comme ça que tout Nagassac il a attrapé un tel ventral de rire que Moussu Bonau il en finit pas de paoupeger les espounches4 ».

Louis VALÈS dit Lou Tindelaire

1. Embaouré : d’un dérivé de l’occitan embaurar : épouvanter ; pour désigner un épouvantail.
2.. Lious : de l’occitan liuç : éclair.
3. Espélit : de l’occitan espelir : éclore, naître, ici au sens de « jaillir de antre comme le petit oiseau sort de l’œuf ».
4. Espounches : de occitan esponga : éponge, conduit souterrain pour évacuer les eaux usées ; ici les yeux par où s’évacuent les larmes de rire.

Los bons racontes del Tindelaire

Les plus belles histoires de Louis Valès

Maurice Boni a choisi parmi les histoires courtes du Tindelaire, trente-trois répondant au mieux à la mission qui est la leur : surprendre, distraire, amuser et, bien souvent, faire réfléchir.
Et l’on peut faire confiance pour cela à l’esprit pétillant et toujours plein d’humour de Louis Valès.
Ce sont des contes bilingues (page de gauche en français, page de droite en occitan) donc accessibles à tous les lecteurs. Que les lecteurs débutants en occitan essaient d’oublier (par principe) la page de gauche en y revenant à la fin du texte quand il y des difficultés de compréhension.
Drôleries, facéties et humour émaillent ces contes où, toutefois, le tragique (authentique !) n’est pas absent. Louis Valès écrit dans la tradition de l’histoire courte occitane qui oscille entre la fable et la bonne blague.
Chacune d’entre ces histoires apporte un enseignement. Il n’est pas délivré à la fin du conte mais c’est au lecteur de le dégager. L’auteur a fait le trois quart du chemin, c’est au lecteur de faire le dernier quart pour une rencontre souhaitée par l’auteur.
En éditant un ouvrage bilingue, le Grelh Roergàs répond au besoin de faire vivre la langue occitane à côté du français. Et c’est dans cet esprit que Maurice Boni a veillé sur l’une et l’autre de ces deux versions afin que chacune des deux langues, chacune des deux cultures, trouve sa pleine expression.

Prix de l’ouvrage : 18 €
S’adresser à votre libraire habituel
ou bien à : Grèlh Roerghàs, La Rivière, 12120 Sainte-Juliette-sur-Viaur – Tél. 05.65.69.52.02.


L’ECOLE CLAUDE PEYROT EST UN ATELIER DE LA SOCIÉTÉ D’ETUDES MILLAVOISES. Cet atelier se réunit chaque mardi de 16 heures à 18 heures au local de la SEM, 16 A, boulevard de l’Ayrolle.



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