3 ème partie - Jean-Louis Esperce

dimanche 24 mars 2013
par  Martine Astor

En primaire au collège de Millau.

L’ancien collège de garçons, bd de l’Ayrolle (Millau en images)

Après mes débuts au collège dans la classe de Madame Delous et ayant pu, la même année, suivre un trimestre en classe de douzième pour apprendre à lire et les deux autres en onzième je suis entré l’année suivante en dixième.
La classe de dixième était avec la neuvième la classe de Monsieur Raynal.
Monsieur Raynal pas plus que les autres instituteurs du primaire, était un inconnu pour nous.
Chaque récréation, le matin et l’après midi, réunissait tous les élèves de la douzième à la septième et pendant que nos jeux et nos cris meublaient la grande cour, nos maîtres se retrouvaient marchant de front pour une promenade qui allait et venait d’un bout à l’autre de cet espace entre les platanes.

La cour du collège (photo Martine Astor)

Monsieur Raynal nous impressionnait par sa stature de joueur de rugby pour nous gamins et par une voix grave et profonde qui portait sans effort jusqu’au fond de la classe.
Je fis cette année là une excellente année qui fut récompensée par une mention de prix d’excellence.

Outre ces impressions d’enfant, je garde de ce maître un souvenir plus récent qui m’a fait comprendre pourquoi nous avions tous envers lui respect et obéissance. Toutes ces qualités humaines qu’enfant nous ne savions pas analyser mais que nous ressentions confusément dans l’exercice d’une autorité juste et ferme je les ai mesurées réellement dans l’exercice de ma profession au cours de laquelle mon ancien maître et son épouse étaient un jour venus me consulter.
Je découvris alors, à mon cabinet d’avocat, un homme dont la stature avait forcément changé d’échelle face à un autre adulte et ce qui m’impressionna ce jour là ce fut l’humilité et le respect que tous deux affichèrent à mon égard. Oui mon ancien maître s’est montré humble, faisant appel à mes connaissances dans un domaine qui n’était pas le sien et en quelques sorte en inversant les rôles. A la fin de notre entretien et accompagnant le couple jusqu’à la porte il me fut demandé combien il m’était dû pour cette première consultation. Très ému je répondis que c’était moi qui devais à mon ancien instituteur ce que j’étais aujourd’hui et que bien évidemment lui ne me devait rien. Protestations très émues qui ne changèrent rien. Je pense que ce jour là j’ai rendu à mon ancien maître, un peu, rien qu’un peu, symboliquement de tout ce qu’il m’avait appris.
L’émotion que j’ai vue sur ces deux visages, a fait, que, retournant à mon bureau je n’ai pu m’empêcher de laisser perler une larme pleine de souvenirs.
Il est des moments où être bouleversé peut être délicieux au cœur.

En huitième notre maître était Monsieur Austruy. Physiquement plutôt petit et assez rond il avait contrairement à Monsieur Raynal dont le visage était apparemment plus sévère des yeux petits et rieurs dans un visage rond lui aussi ce qui conduisait la classe à être un peu plus exubérante que chez Monsieur Raynal. Monsieur Austruy avait eu une paralysie faciale qui s’était en grande partie effacée mais il avait sur le dessus du crâne, qu’il avait presque chauve une cicatrice rouge en zigzag qui m’impressionnait. Il avait l’habitude au cours des explications qu’il nous donnait de passer sa main sur sa tête et j’en avais chaque fois l’estomac un peu serré quand cette main venait doucement caresser cette cicatrice tant je pensais que cela risquait de lui être douloureux.

J’aimais beaucoup ce maître et sa façon de nous enseigner. Mon ami Roger Fabry qui est devenu le tailleur de pierre bien connu, avait le don de lui faire souvent modifier son programme en apportant en classe des objets ou des outils insolites qui étaient le point de départ d’une « leçon de choses ». Je me souviens par exemple d’un peson qui nous permit d’apprendre ou plutôt de découvrir tout ce qui concerne les poids et mesure. Cet enseignement concret, fondé sur de petites expériences me plaisait particulièrement.

Un jour je dus subir, par ma faute, la colère de Monsieur Austruy.
Mon voisin de banc avait apporté dans son cartable pour la leçon de géographie l’ouvrage de Martel sur Les Causses Majeurs. Le livre était posé entre nous sur le banc et j’en tournais les pages en jetant un œil curieux et intéressé pendant ce temps notre maître au tableau nous expliquait le calcul de la surface du rectangle. Pour sa démonstration il avait divisé un grand rectangle en petits carrés égaux : 7 ou 8 sur la longueur et 4ou5 sur la largeur démontrant qu’en multipliant le nombre de carrés comptés sur la longueur par celui de la largeur on obtenait le nombre total des carrés contenus dans le rectangle c’est-à-dire la surface.
Cette démonstration m’intriguait et je fis remarquer que les carrés des angles étaient comptés deux fois, une fois avec la longueur et une fois avec la largeur. Monsieur Austruy se lança dans une nouvelle explication qui n’arriva pas à me convaincre et je renouvelai ma critique du système ce qui conduisit notre maître à recommencer quant il se rendit compte que je ne l’écoutais manifestement que d’une oreille car j’avais les yeux ailleurs. Alors abandonnant le tableau noir et descendant de son estrade il vint constater l’objet de ma distraction et m’attrapant par un bras il m’expédia dans un coin de la classe pour y finir la matinée en m’annonçant quatre heures de retenue pour Dimanche.
Je le méritais mais j’étais effondré car la règle à la maison était, comme déjà dit, que toute punition à l’école était doublée à domicile. Je m’attendais donc à avoir un très mauvais moment à passer en rentrant chez nous.
Le reste de la semaine se passa sans que la visite du surveillant général porteur du billet de retenue ne vienne troubler toute l’application que je mettais à essayer de faire oublier ma faute par une participation attentive et studieuse à la vie de la classe.
J’espérais l’oubli, voire le pardon.
Cette semaine là, exceptionnellement, ma mère se trouva devant le collège pour attendre ma sortie ce samedi matin. Je sortis soulagé sans billet de colle pensant que le risque était pour la semaine suivante. La malchance voulut que Monsieur Austruy sortit lui aussi du collège à ce moment là. Ma mère s’avança, à mon grand désespoir pour le saluer et lui demander des nouvelles de mon travail scolaire. Elle eut droit au récit de mon exploit de la semaine. Je restai tête baissée écoutant l’histoire que je connaissais que trop, sans broncher pour entendre la sentence : oui c’était bien quatre heures de retenues qui avaient couronné mon exploit mais Monsieur Austruy poursuivit en indiquant que j’avais de la chance car toutes ces punitions avaient été supprimées en raison de la fête des mères du lendemain ! J’étais sauvé ! Sauvetage partiel car à l’arrivée à la maison et l’histoire racontée à mon père produisit ses effets : j’eus droit à une sérieuse engueulade et à une punition avec rappel pour l’avenir : punition en classe doublement à la maison. On ne conteste pas les décisions de justice !
Nous étions alors à l’époque loin de l’idée selon laquelle l’enfant a raison, le maître a tort voire c’est la société qui est responsable !

A la classe de Monsieur Austruy s’attache un autre souvenir qui certainement me vaudra les moqueries des nouvelles générations, mais qu’importe !
Notre maître nous informa un jour que toute la classe irait sous sa surveillance assister à une séance de cinéma. Le film que nous devions voir avait pour titre « Monsieur Fabre » retraçant la vie de notre célèbre entomologiste natif de Saint Léons. C’était Pierre Fresnay qui tenait le rôle de Fabre. La séance devait avoir lieu aux « Variétés » salle située rue du Rajol à l’emplacement de l’actuelle maison du rugby. Nous nous rendîmes en rang en fin d’après midi rue du Rajol où convergeaient de nombreuses classes et écoles de la ville. C’était une séance pour les scolaires pour laquelle on nous avait demandé quelques francs pour payer notre place. L’immeuble qui abritait la salle de spectacle comportait un grand hall qui permettait d’accéder au même niveau à ce qu’il était convenu d’appeler « le parterre » et par des escaliers encadrant la caisse au « balcon » qui représentait environ au dessus du parterre la moitié de la superficie de la salle. Nous fumes installés au parterre et je découvris pour la première fois le cinéma. Je devais avoir neuf ans. Je ne me souviens plus si ce jour là nous eûmes droit aux actualités Pathé Cinéma avec le coq battant des ailes devant un globe terrestre et à la publicité de l’entracte présentée par un petit personnage casqué qui faisant tournoyé son pic et le plantant dans une cible nous faisait découvrir le nom de Jean Mineur publicité et le numéro de téléphone de la société sur les Champs Elysées. Le film qui était le premier que je voyais m’impressionna. Les images étaient en noir et blanc accompagnées d’une musique qui ajoutait de l’émotion dans les moments dramatiques. J’étais complètement captivé par les images mais surtout je passais par tous les sentiments possibles en fonction de l’action : plaisir, joie, angoisse et même peur à tel point que sentant que j’étais complètement bouleversé je décidai de partir et me levant en cours de projection je demandai à Monsieur Austruy l’autorisation de rentrer chez moi prétextant je ne sais quel malaise intestinal. L’autorisation me fut accordée et je me retrouvai à la nuit tombée remontant la rue du Rajol pour aller rue De Planard soulagé d’être libéré de l’emprise de ces images géantes que je venais de découvrir pour la première fois.

Arrivé chez moi j’avouai à ma mère l’angoisse née du film. Elle me rassura et me promit de me faire découvrir le cinéma à une prochaine occasion.

Je crois que c’est quelques mois plus tard que j’eus l’occasion de renouveler l’aventure avec mes grands parents maternels un Dimanche après midi.
Il avait été fait une importante et inhabituelle publicité sur la ville pour un film dont j’ai gardé le titre en mémoire et qui s’intitulait : » Les Conquérants d’un Nouveau Monde » qui passait là aussi aux « Variétés ». Il s’agissait de la conquête de L’Amérique et de la lutte des colons et des indiens.
Cette fois là on était allé dans l’originalité pour la publicité puisque boulevard Sadi Carnot une vitrine du magasin de Monsieur Pélissou « A la Cité Millavoise » était consacrée au film avec des silhouettes en carton colorié et un décor de rivière de chute d’eau et de canoë. J’avais convaincu mon ami Pierre de venir à ce spectacle ce qu’il avait fait accompagné de ses parents. Nous nous retrouvâmes cette fois là au balcon pour voir ce film qui était en « technicolor ».
C’était assez violent et même assez sanglant et les flèches qui traversaient les corps et les coups de fusils me faisaient me crisper sur les accotoirs du fauteuil.
Cette fois là je ne partis pas avant la fin de la séance même si à certains moments il m’arrivait de fermer les yeux. Le cinéma était entré dans notre vie.
Je mesure combien cela peut sembler ridicule à ceux qui aujourd’hui passent des heures devant des écrans de télévisions ou autres consoles avant même presque de savoir parler. Peut être que cette tardive et lente découverte me permet elle encore aujourd’hui de m’émerveiller de tout ce que je vois, je découvre, je resents, je comprends et je plains ceux, pour qui dés l’enfance, tout est normal, évident, naturel, définitivement acquis.
Apres la classe de Monsieur Austruy il y avait la septième que dirigeait Monsieur Théron. Autant le précédent était rond et jovial autant notre nouveau maître était sévère d’allure et d’autorité avec un physique correspondant d’ascète et un visage en lame de couteau.

La septième était alors une classe très importante qui nous conduisait à l’examen d’entrée en sixième. Cet examen était une épreuve sérieuse et difficile portant sur toutes les matières principales, le premier véritable examen auquel nous étions préparés dans un esprit de compétition car y participaient tous les enfants venus des classes de septième de la ville et des environs dont les maîtres enregistraient la réussite de leurs élèves comme autant de succès personnels.
Je réussis à l’examen grâce à l’excellent enseignement reçu pendant toutes les années de primaire au collège.
Une nouvelle aventure allait commencer.

Avant de rapporter des souvenirs de cette époque quelques anecdotes finiront de dresser le tableau de la vie scolaire au cours des années 1949 à 1954.
Elève de l’établissement du boulevard de l’Ayrolle, comme tous ceux qui en primaire étaient inscrits là nous avions le sentiment d’être déjà non pas à l’école mais au Collège puisque telle était son appellation : Collège primaire et secondaire de garçons de Millau. A la question rituelle : « A quelle école vas-tu ? » la réponse était : » Je vais au Collège ! » Légitime moment de fierté par rapport à ceux qui fréquentaient les écoles publiques ou privées de la ville. De plus lors de notre entrée en sixième notre connaissance des lieux et des êtres nos donnait un avantage sur ceux venus d’ailleurs.
Pour me rendre au collège, comme je l’ai raconté, je devais traverser une partie de la ville deux fois le matin et autant l’après midi.
Au début ma mère m’accompagnait me faisant à chaque carrefour ses recommandations pour le jour ou je devrai faire le déplacement seul.
L’hiver, mon père, partant faire ses visites en campagne, nous conduisait en voiture devant le collège surtout quand mon frère plus jeune de quatre ans fut lui aussi inscrit dans l’établissement.
La règle était d’arriver à l’heure en classe. Les retardataires étaient d’ailleurs rares car sanctionnés. Dans la cour nous nous mettions en rang par deux et en silence au signal du maître nous étions invités à gagner nos places où nous attendions debout en silence l’ordre de nous asseoir. Très vite nous avons pris l’habitude d’arriver à l’école avec un peu d’avance sur l’horaire pour bénéficier en quelque sorte d’une première récréation. Certains dés leur arrivée rejoignaient la cour, d’autres dont je faisais souvent partie, restaient à l’extérieur pour jouer aux billes sur le parvis de la porte de gauche de l’église Saint François. L’endroit était idéal pour notre jeu dit des capitales car dallé de grandes pierres qui présentaient notamment dans leurs angles des cassures et des manques que nous devions occuper avec nos billes selon une règle non écrite mais bien établie.
Curieusement que ce soit à l’extérieur ou dans la cour du collège nous jouions aux billes plutôt en hiver, les jeux plus animés tels que les batailles à cheval sur le dos d’un camarade ou les jeux de ballon se pratiquaient plutôt avec le retour du beau temps.

jeu de billes

Pour les billes il y avait surtout le jeu du triangle qui permettait de mettre en jeu dans le triangle tracé au sol chacun une bille. Toute bille sortie de cet espace avec celle qui servait à jouer était gagnée. Les joueurs adroits augmentaient ainsi leur capital en billes sans bourse déliée. Ma mère m’avait confectionné un petit sac en tissus bien solide qui fermait par un cordon servant à le porter.
Mon ami Loulou Galibert avait, lui, les poches alourdies des billes qu’il gagnait au triangle aussi facilement que quelques mauvaises notes en classe. En raison du poids les poches dépassaient largement de sa culotte et quant il marchait elles lui battaient les cuisses rythmant sa marche du bruit des billes qui s’entrechoquaient. Je trouvais que cela avait beaucoup d’allure et même que c’était plutôt chic, point de vue que je n’ai jamais pu faire partager à ma mère qui avait une opinion totalement opposée raison pour laquelle j’étais tenu d’utiliser le petit sac qu’elle m’avait confectionné à cette intention et non mes poches.
La plus grande partie de l’année nous allions en classe en culotte courte, les jambes nues avec des chaussettes hautes quant il faisait froid et basses dés que le beau temps arrivait.
Exceptionnellement par très grand froid le pantalon long pouvait remplacer pour ceux qui en avaient la culotte courte.
Pour rester dans le domaine des loisirs il me faut citer le concours de pétanque lancé à l’initiative de notre surveillant général de l’époque Monsieur Séguret. Celui-ci avait son bureau au rez de chaussée du bâtiment central qui longe la rue Saint Jean, bureau dans lequel étaient disposés des casiers en bois où étaient conservées les boules. Le concours concernait la classe de huitième et celle de septième du moins pour ceux qui s’intéressaient à la pétanque. A chaque récréation c’était la ruée dans le petit bureau pour essayer de récupérer de bonnes boules. Le concours était organisé en triplettes et notre surveillant général tenait à jour le tableau des compétitions et inscrivait les résultats à la fin de chaque récréation.
J’étais pointeur dans la triplette qui comptait Jack Ligneau et Loulou Galibert. Nous terminâmes le concours à la première place ce qui nous valut le titre de champions « Midi Libre ».
De toutes ces années si lointaines à présent émergent quelques faits que je n’ai jamais oubliés. C’était je crois dans la classe de septième avec le sévère Monsieur Théron. Nous devions faire à la maison une rédaction dont le sujet était particulièrement classique puisqu’il s’agissait de raconter une journée à la campagne. La copie rédigée, le jour dit, nous devions remettre notre travail à notre maître qui après correction nous communiquait les notes obtenues. Cette fois là mon ami Bernard C. fit un récit de sa journée bref mais original qui lui valut l’honneur d’être lu en classe mais le déshonneur d’une retenue. Je me suis toujours souvenu de ce texte qui gravé dans mon esprit me permet d’en donner ici la version intégrale peut être à quelques petits détails prés : » Il fait beau. Je décide d’aller me promener. Je sorts ma voiture de course. Je monte au sommet de l’Himalaya. Je casse la croûte et je redescends. Quelle belle journée ! ». Ce texte magnifique provoqua un grand éclat de rire dans la classe sauf pour l’auteur quand il enregistra la sanction prononcée.
Un autre souvenir qui aurait pu avoir des conséquences tragiques me revient à l’esprit. Mon ami Pierre était mon aîné de trois jours. Nous avons été dés le début de notre séjour au collège très liés d’amitié sans d’ailleurs que le fait d’avoir été collés le même jour par Madame Delous y soit pour quelque chose. En allant au collège nous nous retrouvions souvent devant chez lui place du Mandarous ou son père avait son cabinet médical contigu à l’appartement familial pour faire ensemble le chemin vers le collège.
Un jour Pierre lors de la récréation sortit de son cartable une boite de cachets blancs et nous invita à les goûter. S’agissant de cachets, le pain azime qui entourait la poudre dissimulait le goût du médicament et nous fit trouver cela plutôt bon, tant et si bien que ceux qui n’avaient pu bénéficier de ces « gâteries » se plaignirent. Pierre leur promit de ne pas les oublier le lendemain.
Il tint parole et il distribua généreusement de nouveaux cachets et même des comprimés tirés de son sac. Cette distribution qui avait très vite atteint le stade de la boite complète se serait dangereusement poursuivie sans mon intervention involontaire. Arrivant chez moi avec quelques unes de ces » friandises » je les fis découvrir à ma mère qui aussitôt voyant le danger alerta mon père lequel se précipitant sur le téléphone alerta le père de mon ami sur le fait que son fils s’était lancé dans l’exercice illégal de la médecine. Pierre bénéficia d’après son récit de sanctions mémorables qui heureusement ne firent pas avorter sa vocation puisqu’il devenu, plus tard, un excellent médecin spécialiste. Il n’y eut, heureusement, aucun accident à déplorer même si pendant quelques temps nous avons craint pour l’un de nos amis qui avait bénéficié d’une pleine boîte d’hormones féminines qui par la suite se révélèrent sans conséquences sur le comportement et les capacités de l’individu devenu adulte.
Pendant ces années passées dans les classes primaires du collège l’enseignement avait lieu, au moins pour certaines d’entre elles, et faute de place dans les bâtiments en dur, dans des classes dites préfabriquées implantées sur de petits pilotis au milieu de la cour de récréation. Il s’agissait de structures en tôle peinte et nervurée ajourées par des châssis en verre basculants, dans lesquelles on accédait par des escaliers métalliques. Je crois me souvenir qu’entre la classe de huitième et celle de septième à l’arrivée de l’escalier il y avait un petit hall commun qui accueillait nos vêtements et nos blouses sur des patères implantées de part et d’autre sur la cloison séparant cet espace de la classe. La classe elle-même était plutôt de petite dimension et se révélait assez froide l’hiver surtout en début de matinée avant que le poêle répande sa chaleur si bien qu’il nous arrivait de garder manteaux et bonnets jusqu’à la récréation. Lorsque le printemps arrivait la chaleur venait nous alanguir comme le froid nous avait engourdis dans la période précédente.
Au milieu de ces souvenirs joyeux ou amusants il y a aussi gravé dans ma mémoire le malheur qui frappa, je crois la même année, nos amis les frères Roger et Jean Fabry qui perdirent leur père dans un accident du travail et Jean Claude Bronner qui lui vit mourir sa mère de maladie. Pour les frères Fabry j’ai le souvenir ce matin là de notre sortie de classe sur le boulevard de l’Ayrolle et de leur étonnement de voir une voisine qui les attendait sur le trottoir pour les accompagner chez eux en leur annonçant que leur père avait eu un accident. Je les revois en compagnie de cette dame remontant la rue du Barry…
On nous annonça en cours d’après midi que l’accident avait causé le décès de leur père.
Toute la classe, avec notre maître qui nous accompagnait, se rendit aux obsèques du parent de nos amis les premiers du rang portant une gerbe de fleurs. A cette époque l’on se rassemblait devant la maison du défunt pour l’accompagner à pieds jusqu’à l’église ou au temple et ensuite en une nouvelle procession jusqu’au cimetière en silence derrière le corbillard tiré par des chevaux. Les gens qui se trouvaient sur le passage du cortège s’arrêtaient les hommes se découvraient s’ils portaient un couvre chef les femmes souvent se signaient.
Aujourd’hui comme chantait Georges Brassens les enterrements vont à cent trente à l’heure…
Gais ou tristes ces quelques souvenirs me font mesurer combien nos façons de vivre et nos comportements ont changé. Faut-il s’en réjouir ou le regretter ? A chacun de juger. Pour ma part je crois que le respect que nous avions pour nos maîtres et l’acceptation de l’autorité à l’école et à la maison restent les bases qui donnent aux individus dés l’enfance les meilleures armes pour affronter la vie.


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