Distribution des prix (Millau en images)

dimanche 24 mars 2013
par  Martine Astor

Jean-Louis Esperce a désormais son bac et n’est pas pour autant près de se couper de ses racines millavoises.

Après le Collège

Le bac en poche je n’avais pas très envie, contrairement à beaucoup d’autres de quitter Millau pour aller en faculté à Montpellier où j’envisageais de faire des études de droit. C’est ainsi que sur l’ardente invitation de mon ami J.-P., au cours d’un repas amical, je m’inscrivis comme lui, en faculté de pharmacie à Toulouse. La première année était à l’époque marquée par un stage en officine (donc pour nous à Millau) et quinze jours de cours par trimestre à la fac. Je découvris très vite que ces études scientifiques n’étaient pas faites pour moi ou plutôt que je n’étais pas fait pour cette profession, si bien que j’abandonnai en cours d’année me refusant à aller passer l’examen que je n’avais d’ailleurs pas préparé. Par contre, suivant l’exemple de mon complice, j’avais postulé pour un poste de maître d’internat au collège de Millau que j’obtins ; ce qui me permit de goûter, en sortant du giron familial, à ma première année d’indépendance et de liberté. Pendant toute l’année scolaire, j’eus donc la charge de la surveillance des études et du dortoir des sixièmes et cinquièmes ainsi que quelques heures pour assurer la permanence et le réfectoire. Expérience intéressante, enrichissante, humainement avec ces nouveaux qui découvraient la pension à l’âge de douze ou treize ans et qui avaient souvent besoin d’un peu d’aide pour leurs devoirs et de réconfort en raison de l’éloignement familial et des règles de la pension qui n’offraient que peu de possibilités de retour en fin de semaine à la maison, si bien que la majorité des dimanches se passait en promenades collectives sous notre surveillance.
Le dortoir dont j’avais la charge devait contenir une quarantaine de lits et se situait au premier étage du bâtiment qui longeait la rue Saint-Jean. Surveillant, je bénéficiais dans ces locaux d’un petit espace fermé, à l’entrée de la salle, fait de planches jusqu’à une hauteur de deux mètres environ dans lequel on accédait en soulevant un rideau de tissu servant de porte et qui contenait un petit lit, une petite table d’écolier et une chaise ainsi que, pièce essentielle, la commande de l’éclairage général. Le dortoir jouxtait l’espace sanitaire avec lavabos et cabinets. Les nuits où nous n’étions pas de service, nous bénéficions d’une chambre au dernier étage de ce bâtiment, chambre que je partageai avec mon ami J.-P.
Ces fonctions de maître d’internat nous laissaient beaucoup de temps libre dans la journée nous permettant d’effectuer notre stage. Ce fut une période pendant laquelle nous avions fixé notre quartier général, maître d’internat et d’externat à la Brasserie du Mandarous, dont, il faut bien le dire, nous étions les meilleurs clients !

A la fin de cette année pendant laquelle j’occupai les fonctions de maître d’internat, il y eut comme toutes les années la cérémonie solennelle de la distribution des prix qui prit un relief particulier à l’initiative d’une jeune professeur de musique venue remplacer René Rieux parti à la retraite. Elle prit l’initiative de monter avec ses élèves un spectacle musical chanté et joué, emprunté à Offenbach en l’occurrence des extraits de « La Belle Hélène » qu’elle enrichit d’un certain nombre d’anachronisme, comme l’utilisation de vélos, qui ajoutèrent au caractère loufoque de l’œuvre.
Ce fut un énorme succès qui je crois ne fut pas, hélas, renouvelé du fait du départ de ce professeur vers un autre établissement.
Dernière distribution des prix où je devais rester dans mon rôle de surveillant pour faire suite à toutes celles qui avaient précédé de la onzième à la terminale selon un rituel qui mérite d’être rappelé aujourd’hui où il semble que, noter, punir ou récompenser sont des mots et surtout des pratiques qualifiées de traumatisantes pour les élèves bien qu’elles ne nous aient jamais marqués de façon indélébile mais peut-être au contraire nous ont fait avancer dans la connaissance et le savoir.
Après tout le cheval a besoin de foin et d’avoine et le bœuf de l’aiguillon.
Donc chaque année, début juillet, avait lieu la distribution des prix qui se déroulait suivant les années soit dans la cour d’honneur soit dans la grande cours. Matériellement l’organisation nécessitait l’installation d’une grande estrade sur laquelle on disposait fauteuils et chaises qui devaient accueillir les personnalités civiles et autres et le corps enseignant dans son ensemble.
Face à la scène étaient disposées de nombreuses chaises pour accueillir parents et élèves. Chacun recevait un livret imprimé : le Palmarès, qui mentionnait classe par classe les prix et le nom des récipiendaires : prix d’excellence pour le premier de la classe, prix du tableau d’honneur pour ceux qui avait été ainsi honorés chaque mois de l’année et ensuite le résultat des compositions trimestrielles par matière donnait le classement : premier prix, second prix et enfin accessits. Chaque année la cérémonie étaient présidée par une personnalité locale qui devait prononcer un discours appelé : discours d’usage. De la même façon, le dernier professeur ayant intégré le corps professoral devait également prononcer un discours avant qu’il ne soit fait lecture classe par classe du palmarès. Ceux qui étaient ainsi cités devaient se rendre sur l’estrade pour se voir remettre leur récompense sous forme de livres. Nos professeurs siégeaient en robe avec parement aux couleurs de la matière qu’ils enseignaient et épitoge à l’épaule. Je me souviens de m’être rendu chaque année à la distribution des prix du Collège boulevard de l’Ayrolle le plus souvent accompagné par ma mère qui prenait soin de préparer la veille mes vêtements du dimanche avec chemise blanche et cravate. Nous étions tous très sensibles à ce moment qui marquait la fin de l’année avec ces récompenses pour le travail fait et les résultats ; l’occasion aussi de prendre de bonnes résolutions quand ces résultats se révélaient insuffisants. J’ai souvent entendu mon père raconter ses distributions des prix où il se rendait seul, sa mère préférant piquer ses gants, et revenant avec le prix d’excellence et de nombreux autres prix s’entendre dire en récompense : « c’est bien, change toi cet après midi tu viendras à Tenens sulfater la vigne ! »

Distribution des prix (Millau en images)

Chacun pourra faire les commentaires de son choix sur l’éducation et l’enseignement d’hier et d’avant-hier.
J’ai donc terminé cette dernière année au Collège devenu Lycée en qualité de maître d’internat comme dit, avant d’aller commencer le cursus universitaire initialement envisagé à la Faculté de Droit à Montpellier.
Cette année de pion n’était cependant pas la dernière où j’aurais à fréquenter cet établissement devenu plus tard Lycée Polyvalent du Puits de Calès puisque entre 1986 et 1992, j’ai siégé au conseil d’administration pour y représenter le Conseil Régional Midi-Pyrénées.
Le Collège de Millau puis le Lycée Nationalisé furent des étapes de ma vie comme pour beaucoup d’autres Millavois. Je dois à cet établissement et à ceux qui y enseignaient ce que je suis devenu.
Je crois toutefois être le seul à pouvoir dire : là j’ai appris à lire, j’ai passé le bac, j’ai été maître d’internat et in fine membre du conseil d’administration.
Cela méritait bien le rappel de quelques souvenirs à partager avec ceux qui ont fait tout ou partie de ce parcours.

JEAN-LOUIS ESPERCE


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