Albert SIGAUD : Millau des années 20 et 30

jeudi 11 avril 2013
par  Martine Astor

Sous l’égide de la Société d’Etudes Millavoises

Millau des années 20 et 30

Albert Sigaud nous conte aujourd’hui le Millau de jadis, le Millau des années 20 et 30, celui que les jeunes et les nouveaux venus ne peuvent soupçonner. Ce qu’ils voient aujourd’hui de notre ville renvoie nos anciens à bien d’autres réalités, à bien des souvenirs insoupçonnés. Mais laissons-lui la parole…

Jusqu’en 1937, il y avait en France plusieurs compagnies de chemin de fer : notamment la Compagnie des Chemins de Fer de l’Etat, la Compagnie de l’Est, le Paris-Lyon-Marseille (PLM) et la nôtre, la Compagnie du Midi. La ligne de chemin de fer Béziers-Neussargues fut l’une des premières à avoir été électrifiées en France, dans les années 1931-1932. Lors de l’inauguration du Grand Hôtel de la Compagnie du Midi à Millau, près de la gare, de grandes fêtes avec feux d’artifice, musique, etc., furent organisées. Cet hôtel est aujourd’hui une maison de santé, Sainte-Anne.
De la gare, en descendant vers la ville, se trouvait la prison ; d’aspect extérieur sinistre, elle a été détruite vers la fin des années 1950. L’actuelle poste prit sa place. Un peu plus bas se trouvait la recette des finances et le bureau de poste. En bordure du jardin de la mairie, se trouvait le pavillon du syndicat d’initiatives animé par Bob Galzin. La mairie actuelle était le siège de la Banque Villa qui fit faillite lors du grand krach de 1929 ; ce fut un désastre pour l’économie millavoise et les départements limitrophes. En face de la mairie, il y avait les bureaux de la « Saintjeantaise » dont les autobus desservaient la région (ex-Cie Vachin).
Dans les années 20, durant l’été, des autocars Brochet-Schneider découverts d’une vingtaine de places, attendaient les touristes désireux de visiter les Gorges du Tarn.
La place du Mandarous avait été nivelée bien avant ; mais le rond-point n’existait pas ; la pendule et la fontaine actuelle, non plus. Cette place doit son nom de Mandarous à celui d’une ancienne famille du Moyen Age : en 1332, on parlait déjà de la rue du Mandarous, et en 1310, du portail du Mandarous qui donnait sur un terrain vague, la place actuelle (Millau à travers les siècles, Jules Artières, p. 411).
Convergeant vers la place, trois familles Taurines s’y installèrent. Paul, 25 route de Paris, s’occupait de la partie « chasse, pêche et coutellerie ». Maurice, 8 avenue de la République, avait le rayon vélo, motocyclette et entretien de ces machines. Quant à Gaston, 9 boulevard de l’Ayrolle, il s’était spécialisé dans les postes de TSF. Sur ce même boulevard se trouvait la librairie Roussel ; ensuite le Grand bazar Baldy-Valez préfigurant les actuelles grandes surfaces commerciales.
En haut de la rue du Barry, avant le plan ou pont des Capucins ou Cap del Barry, se trouvait l’entrée principale du collège de jeunes filles, aujourd’hui la maison de retraite Saint-Michel.
Boulevard de l’Ayrolle, face à l’ancien lavoir, se trouvait le garage Citroën des frères Bonnefous. L’un d’eux déposa un brevet à cette marque.
Un peu plus bas, rue du Rec, au coin de la rue Louis-Blanc, était situé le dispensaire chargé de la lutte contre la tuberculose. Plus haut, le stade Paul-Tort avec l’A.S.M. (Association Sportive Millavoise).
Ensuite, la place de l’Industrie, devenue, après la dernière guerre, place des Martyrs-de-la-Résistance. Il y avait là l’atelier de M. Saleille, le charron. L’avenue de Verdun n’existait pas encore. Au départ de l’avenue de Calès, à gauche, se trouvait l’atelier de mécanique générale Ramone. Un peu plus loin, M. Bouladou, chef de la station électrique ; en face, l’orphelinat du Bon Pasteur, aujourd’hui « Les Charmettes ». La ganterie Buscarlet, fief du regretté Alfred Merle, terminait l’avenue, avec la ferme Soulayrol. Ensuite, la route continuait vers Peyre. Il n’y avait pas encore de zone industrielle ou artisanale.
Retour sur l’avenue du Pont Lerouge où se trouvait la clinique Nastorg. Surplombant le Tarn, la minoterie Déjean, actuellement le magasin de graines Clause. Après le pont, à gauche, le garage Tessier. Au fond, les fermes du quartier de Bêches.
Retour sur le boulevard Richard, avec l’hospice-hôpital du 48 qui a soigné tant de misères durant des décennies. Hommage soit rendu à M. Albert Jonquet et à M. Emile Lauret qui firent installer des ascenseurs grandement appréciés. Le quai Sully-Chaliez était un terrain vague où les laveuses millavoise venaient étendre leur linge à sécher au soleil sur les galets du Tarn. Puis, le Pont de Fer, plusieurs fois emporté par des inondations, et le four à chaux. Au fond de la rue de la Saunerie, se trouvait un petit troquet de bateliers où l’on consommait principalement du vin. Le patron se chargeait de faire traverser le Tarn sur sa barque à fond plat, moyennant 30 centimes, pour se rendre à la Graufesenque.
Nous arrivons enfin à la Maison du Peuple. Quel rôle important elle a joué dans la vie millavoise : théâtre, soirées, ainsi que les réunions syndicales lors des périodes de grève et de chômage. Durant les années 1934-36, s’y tenait la distribution de la soupe populaire.
Plus loin, la place de la Capelle, si chère aux Millavois, avec ses fêtes, ses défilés, sa musique, ses manèges, ses cirques, ses foires ainsi que les jeux divers.
A l’époque, la presse était importante et les journaux aussi nombreux qu’aujourd’hui : l’Eclair, Midi Libre, la Dépêche du Midi, la Voix de la Patrie, l’Ami du Peuple, et, pour les enfants, les Pieds Nickelés notamment.
Peu de maisons possédaient l’eau à l’évier mais il y avait de nombreuses fontaines publiques. Les ménagères millavoises n’avaient certes pas le confort actuel. Le progrès est arrivé en son temps, leur apportant une aide efficace.
La route Neuve (avenue Gambetta), lieu des évasions vers la vallée de la Dourbie, la vallée du Tarn et le Causse Noir.
Prenons la rue de l’Abattoir, aujourd’hui rue Etienne-Delmas, où se trouvait, à l’époque, un grand abattoir qui a été transformé au cours des ans en salle publique sous le nom de Clos de Briançon.
La rue de la Paulèle nous accueille avec les Gants Lauret et l’usine à gaz, usine de cokefaction pour la production de coke qui servait au chauffage des hauts-fourneaux. Ensuite, l’usine Briançon qui fabriquait des colles industrielles à partir de peaux d’animaux.
Vers la fin de la guerre, l’usine étant fermée, on créa une cité d’urgence pour les mal logés de la ville, soit une vingtaine de baraquements en bois provenant des chantiers des barrages EDF du Lévézou.
De chaque côté de la rue Lucien-Costes, s’installèrent le centre principal de secours des pompiers et, récemment, la maison de retraite « les Cheveux d’ange ». Longeant le Tarn, des terrains vagues furent aménagés en jardins ouvriers.
La route de Paris (avenue Jean-Jaurès) nous accueillait, avec la barrière SNCF où se trouvait un four à chaux (à l’emplacement de l’actuelle station Total. Tout au bout de la rue de la Prise d’eau se trouve actuellement une microcentrale produisant du courant.
Au bas de la rue des Lilas, se trouvait la ferme de la famille Miquel. Les maisons de cette rue ainsi que de la rue Balitrand, furent construites au début des années 30 grâce à la loi Loucheur.
Nous arrivons au Crès, quartier du Chapeau Blanc où se trouve aujourd’hui l’immeuble du 16e et, au-dessus, la LSGD (lignes souterraines à grande distance) du téléphone.
La route file vers Saint-Germain dans un éparpillement de maisons.

Carte postale : La place Bion-Marlavagne, anciennement Place de la Gendarmerie. Un siècle d’images millavoises, photo 264.

Retour vers le centre ville, avec le monastère des Capucins, le passage à niveau et nous arrivons à l’ex-place de la Gendarmerie, aujourd’hui place Bion-Marlavagne, où se trouvait un kiosque à musique et la Banque de France, créée en 1902, réel témoignage du passé. A chacune des six entrées de la ville, se trouvait un bureau d’octroi, dépendant des Contributions indirectes, qui percevait des droits pour l’entrée des marchandises.
Millau possédait alors 4 salles de cinéma : Le Paillous ou Théâtre de Millau, rue de la Pépinière ; les Variétés, rue du Rajol ; l’Athénée, boulevard Sadi-Carnot ; et le cinéma de monsieur Charles Pestre.
Ces moments de ma jeunesse me semblent bien loin et pourtant si proches, me laissant un souvenir ineffable, ô combien nostalgique, de ces instants si différents d’aujourd’hui.

Albert SIGAUD


Commentaires

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Albert SIGAUD : Millau des années 20 et 30
vendredi 30 août 2013 à 23h18 - par  marguerite-marie Roque

Je viens de lire avec un vif intérêt votre article concernant Millau des années 20-30. Née en 1943, beaucoup de vos descriptions me rappellent de nombreux souvenirs : j’ai, grâce à vous, parcouru à nouveau la ville de mon enfance et de ma jeunesse. Un grand merci.
Votre érudition en histoire millavoise me laisse espérer que vous pourrez aider maman à préciser ses souvenirs quant à la construction de l’hôtel de la compagnie du midi. En effet il a édifié à l’initiative de son père, Pierre Téchoueyres, alors chef de gare à Millau. La gare a été sa résidence pendant quelques années et elle se souvient avec une certaine malice des moments passés à arpenter la marquise avec sa sœur, la cérémonie que représentait la mise à l’heure de l’horloge etc...
Par contre elle n’arrive pas à retrouver la date précise de la construction de l’hôtel (il a été le cadre du repas de noce de sa sœur ainée) et elle ne se souvient plus quand il a été transformé en hôpital.