HOMMAGE A PIERRE SOLASSOL

vendredi 27 février 2015
par  Martine Astor

HOMMAGE A PIERRE SOLASSOL

Pierre Solassol à la Cocalière des 3 Paroisses ( Photo communiquée par A. Bouviala).


Notre Collègue Pierre Solassol s’est éteint mardi 24 février 2015 à l’Hôpital de Millau, des suites d’une insuffisance respiratoire. Il avait 80 ans.

Ses obsèques ont été célébrées en l’église de Veyreau, vendredi 27 à 11 heures.

Adhérent à notre Société depuis 1989, il faisait partie de nos plus anciens Membres. Nous garderons tous le souvenir ému de Pierre. Lui qui savait tous les samedis ou lors de nos rencontres nous faire vivre ses randonnées et ses recherches sur de nombreux lieux de notre patrimoine local : Les fours à chaux, les pigeonniers, les drailles, la transhumance et bien d’autres encore… Le souvenir de la visite qu’il nous a fait faire sur le Larzac à la découverte des Lavognes et de leur alimentation est une de ses prestations historiques de grand connaisseur de SES causses…

Il a légué lors de son déménagement de nombreux documents qui font partie depuis de notre riche bibliothèque.

Merci Pierre pour tout ce que tu nous as donné en partage et en connaissance, tu fais partie maintenant de nos Collègues hélas disparus qui ont fait ce qu’est notre Société d’Etudes Millavoises.

Jean-Louis Cartayrade


Texte d’hommage d’Alain Bouviala  :

Pierre l’infatigable arpenteur des Causses, a tiré sa révérence, après une vie bien remplie, et cependant à son goût trop courte, tant il avait encore à écrire, à raconter aux nouvelles générations.
C’était un personnage ! Un personnage atypique qui ne laissait pas insensible ceux qui l’approchaient.
Pierre agaçait parfois par son bouillonnement, son cerveau était comme « l’oule » sur le feu : les idées s’y mélangeaient montaient, redescendaient et la soupe était fin prête après cette longue macération. Pierre faisait un amalgame de toutes ses casquettes, il était dans bon nombre d’associations en place où qu’il avait suscitées. Après les chemins anciens maintes fois foulés, il fit du petit patrimoine, l’un de son nouveau cheval de bataille : ainsi voulait-il mettre à l’honneur, caselles, caves à vin, moulins à vent, pigeonniers, mines de charbon, croix, jasses d’estive, baumes, sources, mas disparus, bâti en voûtes… tout l’intéressait sur ses Causses.
C’était aussi le défenseur et le mainteneur des traditions : la langue occitane, la cuisson au feu de bois, les recettes culinaires d’antan, les gâteaux (il avait été pâtissier dans une vie antérieure), les danses et chants, allant même à créer une chorale, « Veilhades ». Bref Pierre faisait feu de tout bois ! Il fallait le suivre dans les deux sens de l’expression ! Ainsi Pierre écrivait la nuit et s’endormait le jour sur les sacs postaux à trier. Il lui fallait donc la sieste ! Seul son inséparable compagnon des grandes errances Albert Sigaud a réussi à s’en accommoder. Il est vrai qu’Albert assurait le voiturage, car Pierre était un danger public au volant, il fallait constamment le tirer de l’assoupissement. Sortir avec lui, dur, dur ! On n’était pas sûr de rentrer le soir : l’oiseau nocturne se délectait des couchers de soleil, de promenades au clair de lune et de dormir dans une jasse.
Mais on acceptait ce tempérament fantasque car il était si généreux, amical, et convivial.
Pierre était le chantre de nos grands espaces qu’il chérissait de tout son être. Pour avoir marché en tous sens, par tous les temps sur ces Grands Causses, pour avoir lié amitié, avec nombre habitants, paysans, bergers… il avait tissé une toile où venaient s’agglutiner tous les amoureux des Causses, ses Causses ! Il les avait parcourus, en surface et en souterrain, analysés, compris, mais sa soif de découvrir était inassouvie. Alors il avait pris sa plume, en Français et en Occitan pour les chanter. Il fut le grand vulgarisateur de notre pays par tous les moyens : il a écrit 5 livres, participé à plusieurs autres, rédigé moult articles dans les revues et journaux régionaux ou associatifs.
Il est passé à la télé régionale pour parler du pastoralisme, des lavognes… L’histoire locale, celle surtout du monde rural caussenard était sa passion. Et puis Pierre était visionnaire, précurseur. Ainsi il pouvait agacer, faire sourire par son style rustre, mais tel un bœuf qui trace son sillon, obstinément il avançait.
Il adhéra très tôt aux idées de Pierre Goth pour la promotion de notre région : C.P.I.E, Parc des Grands Causses avec Roussel, Sauvegarde du Rouergue avec Robert Aussibal, connaissance et promotion des caves à vin de la vallée du Tarn, de la voie ferrée désaffectée de la ligne Tournemire – Le Vigan etc. … la connaissance, la défense du patrimoine rural ne lui laissaient aucun répit… même si sa vie de famille devait en souffrir.
Enfin son œuvre la plus emblématique a été la mise en place et l’organisation de la randonnée : il y a 40 ans qu’il créa avec une poignée d’amis l’association « Lo Bartas », devenant animateur, écrivain des sentiers parcourus : tel le tour pédestre du Larzac. Enfin il traça, balisa quantité de sentiers notamment sur le Causse Noir.
Il créa la Fédération des Sentiers de Pays (au balisage jaune) mais Pierre avait du tempérament : il ne supportait guère plus de 10 randonneurs, car au-delà les gens n’étaient pas assez attentifs à ses commentaires, car Pierre en déplacement était un livre ouvert, intarissable sur l’histoire locale, forcément un handicap pour les adeptes des kilomètres. Il inventa la randonnée culturelle, à thèmes… il cherchait plus son enrichissement mental que physique, dans le partage et l’amitié.
Alors Lo Bartas, son enfant, ne lui convenant plus il créa l’association patrimoniale « Los Adralhans ». Drôle de nom inspiré du mot dralhe (draille), car il consacra plusieurs années aux déplacements des troupeaux de brebis, allant même à effectuer des trajets de transhumance avec ses nouveaux amis bergers.
Les causeries, livres, sorties inédites, emmenèrent leur flot d’adhérents. Conséquence, Pierre se sauva, victime de son succès… et fit les beaux jours de sa garde rapprochée en inventant les « Vagabonds des Grands Causses ». Lui le poète, le chercheur du « ras des pâquerettes » comme il se plaisait à dire, négligea sa santé et fut rattrapé par la patrouille de l’A.V.C. Cloué sur un fauteuil, voyageant dans sa tête, avec tellement de projets en devenir ses amis l’ont accompagné allant même à lui publier son dernier livre. Pierre, après ton ami Armand Pratlong, le défenseur du Méjean, toi le défenseur du Causse Noir, tu nous laisses un grand héritage identitaire que nous allons faire fructifier. Dors en paix dans ta douce terre de Veyreau.

Alain Bouviala
(Président de Los Adralhans)


Poème / Hommage de Louis Valès

Soi lo lapinon

L’estiu, quand fa plan cau e qu’arriva la nuèch
Quand lo Causse s’endòrm
Lo ventolet del sèr ennolo lo campèstre
Jos las estèlas d’òr.

Quand dins totas las combas
Los grèlhs se fan rampèl
E qu’al mièg dels ostals vòlan ratapanadas
Aqui, sus mon balet, l’ama apassimada
Ausisse los anhèls.

Retener mon alen, tot crentos de troblar
Miravilhosa patz del nòstre Causse aimat
Aqui soi lo parpalhòl que se perd dins la bruma
Soi la branca del pin que canta dins lo vent

Soi la fuèlha del bois
Soi lo lapinon que s’enfugis plan luènh
E que d’un pic s’arrèsta per escotar los grèlhs
E que puèi, a passet, va tastar la fribola.

Louis Valès


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