Conférence de Paul Finiels du 22 avril 2017 au CREA à Millau

vendredi 28 avril 2017
par  Martine Astor

  • 1ère partie

Conférence de Paul Finiels du 22 avril 2017 au CREA à Millau

La mécanique au service de la tannerie, de la mégisserie, de la corroyerie et de la chamoiserie à Millau.

Vieux métiers annexes de l’industrie du cuir à Millau.

A l’origine de bien des activités, c’est la géographie qui commande. Il en fut ainsi pour le développement de cette industrie dan notre cité.

Les Grands Causses sont le terroir par excellence de l’élevage des la brebis laitières de race Larzac et en suite de race Lacaune.

Ces races hivernent à l’abri des bergeries, leur peau est peu lainée, ce qui leur confère une grande finesse de fleur.

A l’époque ou on ne savait pas sevrer les agneaux sans le lait de la mère, ils étaient abattus très petits afin de consacrer le lait pour la fabrication du fromage de Roquefort.

Les eaux limpides et calcaires du Tarn étant propices à la mégisserie, toutes les conditions d’une activité spécifiques étaient réunies.

Ces peaux d’agneaux de lait appelées « regord », une fois mégissées étaient parfaites pour la confection de gants fins. Cette matière première aujourd’hui disparue est remplacée par les peaux d’agneaux laitons, c’est a dire semi -sevrés, qui passent la nuit avec la mère et le jour sont nourris de céréales et de foin.

Cependant toutes les agglomérations bordées de rivières ont un quai, un quartier ou une rue de la tannerie ou de la mégisserie.

Le cas de Millau est singulier ; a partir de la mégisserie de peaux de « regord » la ville a acquis une renommée mondiale de spécialité de tannage souple de toutes sortes de peaux, spécialité qui avec la ganterie ont constitué l’essentiel de notre économie pendant des siècles.

Les métiers de la peau ont de tout temps à travers le Monde suscités un grand nombre d’ouvrages, notamment à Millau.

Certains ouvrages présentent les étapes de la transformation de la dépouille en cuir tanné et et sa destination en produits finis, d’autres traitent de la vie sociale induite par ces métiers aux différentes périodes ou à Millau, la tannerie, la mégisseries, la chamoiserie et la ganterie ont tour à tour tenu le haut du pavé.

Le musée de Millau présente une belle collection de peaux, de gants et certains outils ainsi qu’un film remarquable sur les mégissiers au travail.


Mon propos sera en deux causeries , l’une sur la tannerie et la mégisserie , l’autre sur la ganterie. Avec pour thème l’apport de la mécanique dans la transformation d’une dépouille putrescible en un produit noble, stable, souple, résistant et beau comme un gant de Millau fabriqués notamment par , mon arrière grand père et mon grand père de 1890 à 1911 année de son décès . La suite à été l’entretien et la fabrication de machine-outils pour mégisseries et ganterie par mon père et votre serviteur.

Paul Finiels. 2017.


Réf : peaux mécanique

La mécanique au service de la tannerie, de la mégisserie, de la corroyerie et de la chamoiserie à Millau.
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Le travail de la peau existe toujours à Millau avec une production d’excellente qualité, mais cette activité c’est trop réduite ces dernières années pour justifier de nos jours l’existence sur place d’entreprises de mécanique et de menuiseries spécialisées. Mon propos sera ,un regard sur le passé, depuis le moyen-âge jusqu’en 1980.

Je tenais à faire partager mes souvenirs des années passées dans l’atelier paternel et dans les mégisseries millavoises et à faire connaître cette activité mécanicienne qui a participé pour une bonne part à l’économie de la ville pendant des décennies.

Vos remarques sur les erreurs ou les oublis que j’aurais pu commettre seront les bienvenues. Les avertis d’entre vous pardonneront les raccourcis dus au temps dont je dispose, les autres découvriront un monde qui leur est inconnu.

La tannerie : le plus vieux métiers du monde,( certains pensent que ce pourrait être le second ! honni soit qui mal y pense). Les premiers vêtements furent probablement des peaux de bête qu’ils ont appris à mettre en état de conservation.

La peau fraîche est constituée, côté externe de l’épiderme appelée fleur ; au centre du derme constitué d’un feutrage de fibres élastiques et de fibres collagène appelé chair. Cet enchevêtrement de fibres est d’autant plus fin qu’il se rapproche de la fleur . Le côté interne est fait de tissus cellulaires.

Le tannage c’est l’art de métamorphoser une dépouille sanguinolente, crasseuse, fragile et putrescible en un produit noble, stable, souple et solide à vie, réalisé par le tanneur.

Tanner, mégir, chamoiser , corroyer, consiste à faire pénétrer des produits tannants et de teinture au cœur de la peau au moyen de manipulations physiques.

A Millau étaient appelés tanneurs ceux qui traitaient les peaux de veau ou de bovin en général, les mégissiers étaient ceux qui travaillaient les peaux plus petites comme les caprins , les ovins, les petites peaux exotiques. Plus tard les mégissiers ont traité les peaux de veau et de chevaux.

Les produits tannants transforment chimiquement et physiquement la matière .Ce faisant , l’action physique de la mécanique stimule et améliore le processus jadis effectué a force de bras.

« La mécanique c’est la science du mouvement et de l’équilibre , le mécanicien en applique les lois. »

En outre et ce n’est pas le moindre de ses atouts , la mécanique soulage la pénible gestuelle du tanneur, du mégissier et du chamoiseur dans leur dur travail de manipulation, de brassage, de foulage, de délainage, d’écharnage, de finition etc. C’est en quelque sorte la vocation humanitaire de la mécanique au service de la tannerie. Il n’en a pas toujours été ainsi au regard de la lente venue de la mécanique au secours du tanneur.

Il a fallu attendre le XVII ème siècle pour que l’Académie des Sciences créée en 1666 porte attention au tannage et à la tannerie.

En 1775 dans la préface de son ouvrage sur l’art du tanneur, Joseph de Lande écrit ceci :
« L’art du tanneur est un de ceux qu’il était le plus nécessaire de décrire pour le bien public et pour l’avantage du commerce. Ce n’est point un de ces arts de curiosité ou d’agrément, qui flattent l’esprit et ornent la mémoire : c’est un art de première nécessité ; c’est l’objet d’un commerce prodigieux et d’un revenu considérable pour l’Etat ; c’est un art livré, dans la plus grande partie du royaume, à des ouvriers peu instruits, dans lequel on peut faire des progrès très utiles, en y portant le flambeau de la physique. L’intérêt public exigeait donc de nous cette description, l’intérêt même des gens de l’art s’y trouvera : les tanneurs, par exemple qui ne connaissent que le cuir à la chaux y trouveront une manière de faire rentrer leurs fonds dans une année, au lieu de les attendre pendant deux ans ; plusieurs y verront ce que pensent des gens instruits sur des choses qu’ils on faites sans réflexion, on y verra des pratiques étranges qui n’étaient point connues, des vues sur des expériences qu’on pourrait faire. » fin de citation.

En effet, depuis lors, beaucoup d’expériences et de découvertes ont été faites aussi bien en chimie qu’en mécanique.

Les inventions mécaniques n’ont pas supprimé toutes les manipulations, mais ont totalement remplacé le travail physique de transformation de la structure même de la peau.

En 1776 les dessins de Billé et ceux de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert montrent le tanneur, le mégissier et le chamoiseur à l’oeuvre. Leur travail est essentiellement manuel et pénible, sauf pour le foulage qui est effectué parfois par un mécanisme en bois, composé d’une roue dentée entraînant un mouvement de va et vient, l’ensemble tracté par un cheval ou par la force hydraulique.Autrement les peaux sont foulées aux pieds sur une claie. photos 4, 5, 7, 8

La roue à aubes de bois faisait tourner aussi bien les foulons à peaux que les moulins a tan .

A la vue de ces images on peut dire que les premiers mécaniciens étaient des menuisiers et des charpentiers. En effet les premières mécaniques traitant les peaux furent en bois quelque peu armé de métal.

A Millau le nombre et l’importance de l’industrie de la peau et du gant a justifié pendant quelques décennies l’existence d’artisans spécialisés dans la menuiserie et la mécanique spécifiques du travail de la peau.

 le plus ancien document connu sur les tanneurs de Millau remonte au 13ème siècle
 En 1408 les odeurs de la tannerie incommodent les habitants
 En 1842, 22 tanneries traitent 200.000 peaux de veau.
 Au début du 19 ème siècle on compte 60 tanneries et chamoiseries, 20 fabriques de gants ( 2.000 ouvriers dont 400 gantiers pour 6.000 habitants).
 Fin du 19 ème siècle 20 tanneries et 70 ganteries soit 7500 ouvriers pour 18.000 habitants.
 20 ème siècle, 12.000 personnes vivent des cuirs et peaux à Millau.
 De 1919 à 1933, 76 ganteries dont 27 de 50 à 100 salariés et 36 entreprises familiales.
 En1963 6.500 personnes travaillent en ganterie
 En 1989 ,18 fabriques de gants emploient 300 salariés, et 9 mégisseries 400 salariés

D’autre part le numéro 1939 de la revue « Ganterie » relate l’état de la place peaussière de Millau à cette date :

 60 gantiers, 1 chamoiseur, 9 mégissiers, 13 teinturiers, 2 façonniers, 7 commissionnaires en peaux et laine, 5 marchands de peaux teintes pour ganterie, 19 outilleurs et accessoiristes dont 6 mécaniciens artisans et leurs compagnons, sans compter ceux employés dans les ateliers d’entretien des principales mégisseries de la ville.
Aujourd’hui : 3 mégisseries et 1 tannerie

 Michel Delmouly a établi un tableau significatif de l’évolution du travail de la peau à Millau. photo 9

 Ces quelques données démontrent la permanence de l’activité peaussière vitale pour la ville pendant plusieurs siècles mais, ce faisant, la ganterie de peau qui en est le symbole bien mérité de Millau n’a pas toujours été au premier rang des productions peaussières de la ville.

La finesse de fleur et la souplesse de la production millavoise ont toujours assuré la notoriété internationale aussi bien des peaux de veau , d’agneau que de pécari notamment.

Dans les années 1900 aux EtatsUnis les peaux de veau ciré de Millau étaient appelées les « fillettes de Millau », du fait de la douceur et de la souplesse de leur toucher.

Notre propos n’est pas de présenter les différents modes de tannage des différentes peaux traitées à Millau, mais comme la mécanique intervient dans presque toutes les phases de l’opération, nous devons les nommer pour décrire le matériel mécanique utilisé pour chaque chacune d’elle.

L’existence de ces machines date de la création de la mécanique appliquée, initiée par les savants Coriolis, Poncelet et Coulomb au milieu du XIX ème siècle.

A partir de cette période le bois à été presque entièrement remplacé par la fonte et l’acier dans les constructions mécaniques. Photo 10

A Millau c’est à cette époque que sont apparues les premières machines de tanneries et les premières machines à vapeur comme force motrice pour les entraîner. La force motrice à vapeur a été un progrès considérable donnant une plus grande autonomie d’installation des machines qui n’étaient plus liées à la turbine hydraulique ou à la force hypomobile pour être entraînées, et pouvait disposer de plus de puissance le cas échéant. L’importance de l’innovation était telle que la mention « machine à vapeur » figurait en gros caractères sur le papier en tête et les publicités de certains tanneurs. Comme si aujourd’hui on mentionnait « usine électrifiée ».

La force motrice à vapeur a vu naître les broyeurs, hachoirs et moulins à écorce ou à tan de conception nouvelle construites en métal, qui remplacèrent ceux en bois entraînés par la force hydraulique ou hippomobile.

Voici quelques exemples de machines à entraînement hippomobile ou hydraulique d’avant la force motrice à vapeur.

En 1851 au pont vieux à Millau il y avait 4 foulons à peaux et 2 moulins à tan.

A Creissels des foulons à peaux a marteaux et foulons a tan ont fonctionnés jusqu’en 1922, ainsi qu’un moulin foulon à peaux de chamoiserie jusqu’en 1930.

La complexité des modes de tannage pratiqués à Millau ne permet pas de préciser ici tous les usages d’une même machine, qui pouvait être utilisée pour différentes variétés de peaux à différents stades de divers types de tannage.

La plupart de ces machines sont toujours utilisées, modifiées par des conceptions mécaniques nouvelles, dont nous verrons l’évolution des débuts aux années 80 .

Ces principales machines mécaniques, sont :

Pelain et coudreuse, tonneau, foulon, ,enchauceneuse, sabreuse, délaineuse, écharneuse, effleureuse, scie à refendre, essoreuse, metteuse au vent, séche, palissonneuse, derayeuse, cadreuse, lisse, satineuse, liégeuse, doleuse, velouteuse, mesureuse, , laveuse de laine, presse à laine , moulins et broyeurs à écorce et à tan et différents outils à main.

En Europe plusieurs ateliers de construction de machines de tanneries sont crées, dont une à Paris en 1810, une à Modène en Italie en 1857, une à Ivry/Seine et une en Allemagne à cette même époque, une à Annonay en 1911.

A Millau la double apparition de la nouvelle force motrice et des machines de tanneries a généré les premiers mécaniciens. Certains étaient salariés des tanneurs et des mégissiers qui a partir de la peau brute livraient le produit tanné et teint. Les autres étaient des artisans indépendants qui avaient pour clients les différents façonniers de la place à savoir,les mégissiers, les teinturiers, les dérayeurs et les doleurs. Toutes ces peaux en cours d’élaboration traversait la ville en tous sens. Certains gantiers achetaient des peaux brutes ou semi-finies et les confiaient à ces façonniers en fonction de leurs besoins .
Ces innovations mécaniques concernaient à la fois la force motrice et le matériel qu’elle entraînait et ont généré deux sortes de mécaniciens, ceux qui se sont spécialisés dans les machines à vapeur et ceux qui ce sont spécialisés dans les machines de tanneries. La liaison entre la force motrice et la machine à entraîner a vue naître la mécanique de transmission le plus souvent assurée par le mécanicien des machines de tannerie. En suite est arrivée la force électrique qui a simplifié et modifié la mécanique de transmission .

Tous ces attendus ne doivent pas faire perdre de vue l’action des machines dans le procédé de tannage qui se compose généralement de trois stades : la rivière, le tannage, la teinture et les finitions, chaque stade comprend plusieurs opérations, dix huit environ de la peau brute au cuir tanné.

A savoir : rognage, reverdissage, écharnage, déchaulage, confitage, picklage, dégraissage, tannage, nourrissage, essorage, séchage, mise en humide, palissonage, teinture, lissage, satinage, mesurage avec presque autant de machines diverses que d’opérations a effectuer.

Le rognage consistait à éliminer au couteau les pattes la tête et la queue. Plus tard certaines mégisseries utilisaient des tapis roulants pour faciliter ce travail. Il y avait aussi les cas de peaux dépecées en manchons qu’il fallait ouvrir. Ce travail est aujourd’hui réalisé au laser.

Le reverdissage a pour but de rendre à la peau sèche ou salée son état tel qu’il était au dépeçage. Ce travail autrefois entièrement manuel ce faisait soit au fil de l’eau de la rivière, soit en brassant les peaux au moyen de pals dans des bassins bâtis dans les calquières . Les pelains et les coudreuses sont venus soulager les tanneurs. Photo 11

Pelains et coudreuses , de fabrication locale sont des cuves à fond semi-circulaire en bois ou en ciment équipées de pales tournantes en bois montées sur axes métalliques pour brasser les peaux dans des bains soit de reverdissage , de rinçage, soit de pénétration des produits destinés a faciliter le délainage etc.. Le travail des menuisiers ou des maçons précédant le travail des mécaniciens dans la construction de ces machines. Photo 12

Sabreuse : pour débarrasser les peaux de moutons des impuretés de la toison en cours de reverdissage au lieu de les « battre manuellement au fil de leau . Photo 13

Enchauceneuse : machine à enduire le côté chair des peaux avec un mélange liquide épais de sulfure de sodium et de chaux qui facilite le délainage. La machine travaille plus vite et plus régulièrement que l’épandage à la main.

Tout au long du tannage la peau et sa fleur sont extrêmement fragiles. On pourrait croire que le travail à la main, si pénible soit-il soit plus délicat et respectueux de la peau que ces grosses machines aux mouvements brutaux. Il n’en est rien, tous les dommages qui déclassent leur valeur elles les ont reçues du vivant de l’animal ou à l’abattoir ; ce sont les égratignures des flancs par les fils barbelés des clôtures, les traces de maladies de la peau comme la gale, l’éclatement de la fleur appelée « épétillure » due à la trop forte puissance des machines à dépecer les peaux d’agneau en abattoir ou les coutelures du fait d’un certain type de dépeçage manuel, ou bien par l’échauffe due à une mauvaise conservation.

Délaineuse ou éboureuse :

Son nom indique sa fonction, nous entrons ici dans le domaine des machines à cylindres lisses rugueux ou à lames hélicoïdales tranchantes ou non selon leur mission. Le cylindre sur lequel repose la peau est sur un support mue par un mouvement alternatif d’ouverture et de fermeture commandé par l’ouvrier.
Ici la peau est introduite entre plusieurs cylindres qui s’écartent et se rapprochent au moyen d’une pédale commandée qui présente la peau en 2 passages, elle ressort
débarrassée de sa toison qui selon le cas est prise sur un tapis roulant ou tombe dans un chariot. Les lames son non tranchantes et très lisses car la peau à ce stade de fabrication est très fragiles, les cylindres lisses sont enrobés de caoutchouc. Jadis la peau était étalée su un chevalet et le délainage se faisait en plusieurs passage du couteau à délainer à la main et la laine tombait au sol pour être reprise à la fourche.
Photos 15 , 16

Voici le principe des machines à cylindre. Photo 17

Voici différents types de lames pour cylindres.
Photos 18, 18 b

La laine étant un sous-produit pour le mégissier était lavée, essorée et séchée pour être vendue telle quelle. Photo 19

Echarneuse dont un fabricant à Millau : même configuration que la délaineuse pour éliminer les chairs mortes et la graisse restées sur la dépouille. Les lames du cylindre sont tranchantes et sont mécaniquement affûtées régulièrement. Ce travail est plus précis et moins pénible pour l’ouvrier autrefois penché sur son chevalet couteau à écharner ou à délainer en main à bout de bras. Photo 20

Un jour apparaissent sur les peaux d’agneau certaines égratignures d’un genre encore jamais vu dont on ignore l’origine. Un chef de fabrication me demande de vérifier l’ensemble des cylindres de ces machines, ce que je fais sans trouver quoique ce soit susceptible de blesser la fleur. Les recherches en mégisserie restent sans réponse jusqu’au jour ou on apprend qu’une nouvelle qualité de blé à paille dure vient d’être crée, elle égratigne la peau des agneaux sur leur litière . Cette qualité de paille a été crée afin que le vent ne puisse plus coucher les céréales ce qui rend la moisson difficile. Comme quoi ici bas tout est lié.

Scie à refendre : La refente des peaux en tripe ou tannées a été facilité avec une invention mécanique. les deux faces de la peau sont le côté fleur ou épiderme et le côté chair ou derme, la scie va séparer le côté fleur et une partie du derme du côté chair et appeler ce dernier une fois séparé la croûte. Les premières scies à la fin du 19ème siècle se composaient essentiellement d’une lame d’acier effilées et tranchantes légèrement plus longues que la largeur de la peau recevant un mouvement de va- et -vient manuel ; la peau en tripe étant tenue tendues sur une table par des des pinces tenues par les ouvriers.
Plus tard avec l’entraînement à vapeur sont apparues des machines plus perfectionnées : à savoir, la peau est présentées entre deux petits cylindres cannelés qui l’entraînent face à une lame circulaire tranchante qui sépare le côté fleur du côté chair . La lame est affûtée automatiquement en permanence . C’est une machine délicate et très précise qu’il est surprenant de voir travailler dans ce milieux. Il existe aussi un modèle de scie pour peaux tannées. La précision d’épaisseur est de 6 centièmes de millimètre ;

photos 22, 23, 24, 25, 26.

Efflereuse : utilisée notamment pour une fabrication disparue le « doeskin » faute de peaux dites de regord. Les meilleures provenances étaient issues de la Drôme. Il fallait une machine qui n’élimine que la fleur cette très fine péllicule appelée l’épiderme fortement attachée au derme pour obtenir une peau finement veloutée et douce que seules les peaux d’agneaux que l’on n’abat plus aussi petit aujourdhui permettait de fabriquer. L’effleureuse est une machine proche de l’écharneuse, mais la peau se présente la fleur face aux lames tranchantes. Les fibres de la peau sont d’autant plus fines qu’elles ont proches de l’épiderme, c’est pourquoi les velours sur fleur sont plus fins que les velours sur chair.

Tonneaux :de fabrication locale , en bois, de forme cylindrique, l’intérieur hérissé de chevilles pour bien brasser les peaux. Ils sont montés sur chaises, paliers, croisillons métalliques et système d’entraînement rotatif destinés a plusieurs usages selon leurs équipement et leur vitesse de rotation. Ils sont utilisés soit pour déchauler, confir, rincer les confits, pickler, dégraisser, nourrir, teindre etc. Comme pour les pelains et les coudreuses les menuisiers sont étroitement liés aux mécaniciens pour construire ces machines. Photo 27

Il est un mode de teinture que J.L.Carteyrade ne me pardonnerai pas de ne pas citer, ça lui laisse de trop bons souvenirs. c’était la teinture à la brosse pour laquelle la mécanique était impuissante et que seule la gestuelle précise et pénible du teinturier pouvait assurer d’un geste auguste sur une peau plaquée sur une surface bombée. Il s’agissait de ne teindre en noir qu’une face de la peau.

Foulons : Les plus anciennes mécaniques utilisées par les tanneurs étaient des caissons en bois, certains de fabrication locale utilisés par les tanneurs et les chamoiseurs pour assouplir la peau et faciliter la pénétration des traitements à l’huile à l’aide de maillets mobiles , entraînés soit par la force des moulins à eau dits moulins foulon soit par la traction animale, plus tard par la vapeur et le moteur électrique.

Photo 28

Metteuse au vent et essoreuse : Comme avec l’écharneuse et la délaineuse nous sommes en présence d’une machine à cylindres rotatifs et a mouvement alternatif. Le cylindre est à lames hélicoïdales non tranchantes. Pour la metteuse au vent le cylindre d’appui est revêtu de caoutchouc, pour l’essoreuse il est revêtu de feutre. Leur travail consiste à donner à la peau sa plus grade largeur, à la dérider et à en extraire le maximum d’humidité. Photo 29

Sèches : les peaux d’agneaux mégissées étaient accrochées en plein air sur la grave afin de sécher et de blanchir. D’autres peaux étaient accrochées dans des bâtiments spécialement aérés qui plus tard ont été équipés de ventilateurs électriques soufflant de l’air chauffé à la vapeur. Malgré l’arrivée de l’électricité, les chaudières continuèrent à fonctionner pour chauffer l’eau utilisée au tannage et générer l’air chaud des sèches. Photo 30

J’ai toujours trouvé bizarre le maintien de l’utilisation de le vapeur dont les 180° sont coûteux à obtenir et dangereux à véhiculer pour utiliser de l’eau a 30°.

NB : Exemple du maintien tardif des chaudière à vapeur du passé, celle des Ets Guibert frères utilisée jusqu’en 1980 environ et conservée comme témoin .

Palissoneuses : Les peaux au sortir de la sèche sont cartonneuses et doivent être assouplies. La mécanique là aussi a soulagé le travail de palissonneur en remplaçant la lame statique fixée verticalement sur un socle sur laquelle l’ouvrier impliquait à la peau fortement tenue à bout de bras par un mouvement de va et vient, par une roue à lames tournant sur laquelle l’ouvrier appliquait la peau, le mouvent des lames remplaçant le dur travail de va et vient de l’ouvrier équipé de manicles. La roue étroite appelée fonçeuse pour traiter la veine et le collet, la roue large pour traiter les flancs et l’ensemble de la peau. Photos 32, 33, 34, 35

D ’autres types de palissoneuses sont venues au cours des années s’adapter aux différents types de cuirs et peaux. Les palissons à bras pour le box- calf.

Les « lunetteuses »machines à cylindres à lames hélicoïdales ondulées non tranchantes et tapis cuir montés sur caoutchouc mousse , ainsi que les palissoneuses à tablier vertical. photo 36

Dérayeuse : Pour égaliser l’épaisseur de la peau et lui donner l’épaisseur désirée par l’utilisateur à l’aide de la lunette ou du couteau à revers .

La peau tendue maintenue verticalement entre deux barres de bois, est maintenue transversalement par l’ouvrier qui l’égalise avec la lunette de l’autre main. Plus tard est arrivée la dérayeuse, machine à cylindre à lames tranchantes automatiquement affûtées, le cylindre d’appui manoeuvré par le dérayeur au moyen d’une pédale lui laissant les mains libres pour diriger la peau et l’amincir à sa guise. photos 37, 38

Une pige à cadran lui permettant de mesurer l’épaisseur obtenue. Photo 39

Le dérayage produit de fines particules de peau volatiles et inflammables le « parun » qu’il y a lieu de stocker au sortir de l’aspirateur de la machine. les mécaniciens fabriquait un équipement constitué d’un sac de jute sur armature métallique, ou d’un caisson finement grillagé, ou d’une cuve à jets d’eau à l’intérieur pour les noyer et les envoyer à l’égout.

Doleuse, Ponceuse, meule : Plusieurs appellations selon la finition à obtenir sur le côté chair ou fleur de la peau travaillée en humide ou à sec. Ce sont des roues à limbe bombé en bois, aluminium, fonte ou minérales. Celles en bois fonte ou aluminium ont le limbe enduit de poudre de carborandum. La peau y est appliquée à la main munie d’une manicle.

Photos 40, 41

Velouteuse-Ponceuse : machine à cylindre garni de papier abrasifs travaillant sur toute la largeur de la peau par rotation et oscillation. Photo 42

Blanchisseuse : Après le tannage pour éliminer toute la matière grasse adhérant à la surface des peaux de veau et la lustrer. Ce travail au couteau à revers très difficile nécessitait des années d’apprentissage, il fut remplacé par le blanchissage à l’étire, donnant un résultat moins beau, mais réalisable après quelques mois d’apprentissage. La blanchisseuse mécanique des années 20 est venue suppléer cette manutention, elle ressemble à la dérayeuse mais le cylindre à lames et le cylindre d’appui sont différents.

Satineuse : Machine à cylindre chauffant pour obtenir une fleur très brillante, d’un brillant uniforme sur toute la peau, notamment sur les peaux d’agneaux dites plongées pour vêtements. Photo 43

Sans oublier les tables tournantes à cadrer sous infrarouge.

Presse à imprimer et pécarineuse : machine à imiter le grain de la peau de crocodile, de serpent, de pécari ou d’autres animaux sur des peaux d’agneau ou de veau au moyen de plaques gravées disposées dans une presse. Photo 44

Liégeuse : Pour assouplir la fleur des peaux des veaux mâles ( en tannerie toutes les génisses sont des veaux, n’y voir aucune allusion à la théorie du genre actuellement à la mode.) et leur donner un aspect agréable en faisant « monter de grain » selon l’expression consacrée . Ce travail effectué à la liégeuse à bras à été remplacé par la liégeuse mécanique.

Photos 45, 46

Lisseuse : de fabrication locale : Tambour en bois ou acier, tournant, garni d’un manchon feutre sur lequel on appuie la peau côté fleur pour la lustrer.

Il y avait aussi à Millau des mégisseries traitant les peaux de mouton façon dite double face, c’est à dire tannées avec la toison dites aussi peaux lainées. Ils utilisaient notamment deux machines spécifiques de ce travail qui sont la cardeuse et raseuse, ainsi que la plus part des machines communes au tannage.

Mesureuse ou piéteuse : les peaux s’évaluent par leur qualité et leur surface en CM2 ou en PIED2 , pour en mesurer la surface on utilise une machine à goupilles ou secteurs. Pour mesurer les petites peaux souples il faut deux ouvriers l’un d’un côté de la machine introduit la peau bien mise au large, l’autre la reçoit , lit la mesure sur le cadran et note la surface sur un coin de la peau. Photos 47 , 48, 49

Dans ces applications la mécanique à cédé le pas à l’électronique et nous sommes passés de la complexité des mouvements d’horlogerie au mystère simplificateur de l’électronique.

Le travail typique du mécanicien élargi à celui d’électricien au service de la tannerie c’est le montage, le réglage, la réparation ou la construction de ces machines et outils spécialement conçus pour le travail de la peau. Le lamage des cylindres est un travail typique de l’entretien, il consiste à extraire des rainures des cylindres les lames usées et les remplacer par des neuves en les fixant par de fines lamelles de cuivre recuit bloquées au marteau par le moyen d’un burin spécial. . Dans les premières machines en fonte certaines parties après usure n’étaient pas des pièces de rechange et devaient être réparées sur place, ce qui imposait d’aller à la machine muni d’une forge portative, et de tout l’outillage pour fondre sur place les coquilles des paliers en régule, ceci au pied de la machine, dans la carnace .Vous imaginez sans peine la diversité de spécialités requises pour entretenir, réparer, construire et entraîner ces différentes sortes de matériel. C’est ainsi que le mécanicien passe du travail de fondeur sur place à celui plus délicat d’entretien et de réparation de la mesureuse à celui d’installateur et de dépanneur électricien.
Les moteurs électriques ne sont arrivés qu’au début du xxème siècle et ont révolutionnés la rationalisation de la production en permettant le partage de la force motrice. L’emplacement des machines n’est plus tributaire de l’axe unique auquel elle est branchée au moyen de courroies de poulies, de pignons ,de chaînes et d’embrayages. Elles peuvent être implantées selon un plan rationnel de production. Même si des ensembles d’une même machine sont encore reliés à un seul arbre entraîné par un moteur électrique. Les moteurs électriques faisant partie intégrale des machines , les électriciens ont vu d’un mauvais œil les mécaniciens devenirs électriciens ; c’était le début du mélange des genres !!!. photo 50

Les mécaniciens au service de la peausserie se sont adaptés sans cesse aux nombreuses évolutions du matériel à construire et a entretenir conjointement aux évolutions du tannage . Au cours des siècles la tannerie a utilisé successivement, la force hydraulique au fil de l’eau, la force hippomobile, la force de la vapeur et la force électrique pour soulager le bras de l’homme, loin du tanneur penché sur son chevalet.
Depuis lors sont arrivés l’électronique et ses mystères mais notre regard sur le passé s’arrête à sa parution.

En fait, les machines-outils, la mécanique et les mécaniciens dite au service de la tannerie n’en sont pas les accessoires mais sont une partie intégrale de cette activité.

C’est pourquoi il était essentiel qu’une étroite collaboration existât entre mécaniciens et tanneurs afin que le matériel donne pleine satisfaction.

J’ai tenté de vous montrer ou de vous rappeler la complexité de cette merveilleuse métamorphose qui consiste à transformer une dépouille sanguinolente, crasseuse et putrescible en un produit noble utile et beau comme une paire de gants de Millau, de chaussures ou un beau vêtement et bien d’autres beaux articles dont beaucoup ignorent les arcanes de la fabrication.

Tout cela grâce au concours de beaucoup de travailleurs, de chercheurs, d’ inventeurs, de menuisiers, de chimistes, et de mécaniciens au service des tanneurs, des corroyeurs et des chamoiseurs pour le confort et le bien être de la société tout entière.

IL faut voir et revoir au musée de Millau le magnifique échantillon de « peaux de Millau » et le très beau film sur la mégisserie.
Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidé à préparer cette causerie .
 Jean Dupin pour la documentation ;
 Jean-pierre Azema, Michel Delmouly pour leurs
 publications .
 Maurice Labbé pour son étroite collaboration.
 Les divers auteurs des ouvrages consultés et les anciens du métier qui ont bien voulu vérifier la qualité de ma mémoire.

Je ne peux terminer sans vous inviter à lire ou a relire l’excellent ouvrage de Madame Elizabeth Baillon intitulé « La peau » aux éditions du Beffroi. Dans cet ouvrage la technique est présentée poétiquement et nous fait voir ce beau métier comme il est bon de le considérer sous un aspect inattendu ainsi qu’elle le décrit dans l’introduction ;

« Il y a de l’embaumeur chez le tanneur, mêlé du savoir de l’alchimiste, des astuces de cuisinier, de la volonté du forgeron. Mais c’est un vulcain des matières souples. »

Je vous remercie.

Paul Finiels. 2017.

Réf : peaux mécanique
La mécanique au service de la tannerie, de la mégisserie, de la corroyerie et de la chamoiserie à Millau.
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Le travail de la peau existe toujours à Millau avec une production d’excellente qualité, mais cette activité c’est trop réduite ces dernières années pour justifier de nos jours l’existence sur place d’entreprises de mécanique et de menuiseries spécialisées. Mon propos sera ,un regard sur le passé, depuis le moyen-âge jusqu’en 1980.

Je tenais à faire partager mes souvenirs des années passées dans l’atelier paternel et dans les mégisseries millavoises et à faire connaître cette activité mécanicienne qui a participé pour une bonne part à l’économie de la ville pendant des décennies.

Vos remarques sur les erreurs ou les oublis que j’aurais pu commettre seront les bienvenues. Les avertis d’entre vous pardonneront les raccourcis dus au temps dont je dispose, les autres découvriront un monde qui leur est inconnu.

La tannerie : le plus vieux métiers du monde,( certains pensent que ce pourrait être le second ! honni soit qui mal y pense). Les premiers vêtements furent probablement des peaux de bête qu’ils ont appris à mettre en état de conservation.

La peau fraîche est constituée, côté externe de l’épiderme appelée fleur ; au centre du derme constitué d’un feutrage de fibres élastiques et de fibres collagène appelé chair. Cet enchevêtrement de fibres est d’autant plus fin qu’il se rapproche de la fleur . Le côté interne est fait de tissus cellulaires.

Le tannage c’est l’art de métamorphoser une dépouille sanguinolente, crasseuse, fragile et putrescible en un produit noble, stable, souple et solide à vie, réalisé par le tanneur.

Tanner, mégir, chamoiser , corroyer, consiste à faire pénétrer des produits tannants et de teinture au cœur de la peau au moyen de manipulations physiques.

A Millau étaient appelés tanneurs ceux qui traitaient les peaux de veau ou de bovin en général, les mégissiers étaient ceux qui travaillaient les peaux plus petites comme les caprins , les ovins, les petites peaux exotiques. Plus tard les mégissiers ont traité les peaux de veau et de chevaux.

Les produits tannants transforment chimiquement et physiquement la matière .Ce faisant , l’action physique de la mécanique stimule et améliore le processus jadis effectué a force de bras.

« La mécanique c’est la science du mouvement et de l’équilibre , le mécanicien en applique les lois. »

En outre et ce n’est pas le moindre de ses atouts , la mécanique soulage la pénible gestuelle du tanneur, du mégissier et du chamoiseur dans leur dur travail de manipulation, de brassage, de foulage, de délainage, d’écharnage, de finition etc. C’est en quelque sorte la vocation humanitaire de la mécanique au service de la tannerie. Il n’en a pas toujours été ainsi au regard de la lente venue de la mécanique au secours du tanneur.

Il a fallu attendre le XVII ème siècle pour que l’Académie des Sciences créée en 1666 porte attention au tannage et à la tannerie.

En 1775 dans la préface de son ouvrage sur l’art du tanneur, Joseph de Lande écrit ceci :
« L’art du tanneur est un de ceux qu’il était le plus nécessaire de décrire pour le bien public et pour l’avantage du commerce. Ce n’est point un de ces arts de curiosité ou d’agrément, qui flattent l’esprit et ornent la mémoire : c’est un art de première nécessité ; c’est l’objet d’un commerce prodigieux et d’un revenu considérable pour l’Etat ; c’est un art livré, dans la plus grande partie du royaume, à des ouvriers peu instruits, dans lequel on peut faire des progrès très utiles, en y portant le flambeau de la physique. L’intérêt public exigeait donc de nous cette description, l’intérêt même des gens de l’art s’y trouvera : les tanneurs, par exemple qui ne connaissent que le cuir à la chaux y trouveront une manière de faire rentrer leurs fonds dans une année, au lieu de les attendre pendant deux ans ; plusieurs y verront ce que pensent des gens instruits sur des choses qu’ils on faites sans réflexion, on y verra des pratiques étranges qui n’étaient point connues, des vues sur des expériences qu’on pourrait faire. » fin de citation.

En effet, depuis lors, beaucoup d’expériences et de découvertes ont été faites aussi bien en chimie qu’en mécanique.

Les inventions mécaniques n’ont pas supprimé toutes les manipulations, mais ont totalement remplacé le travail physique de transformation de la structure même de la peau.

En 1776 les dessins de Billé et ceux de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert montrent le tanneur, le mégissier et le chamoiseur à l’oeuvre. Leur travail est essentiellement manuel et pénible, sauf pour le foulage qui est effectué parfois par un mécanisme en bois, composé d’une roue dentée entraînant un mouvement de va et vient, l’ensemble tracté par un cheval ou par la force hydraulique.Autrement les peaux sont foulées aux pieds sur une claie. photos 4, 5, 7, 8

La roue à aubes de bois faisait tourner aussi bien les foulons à peaux que les moulins a tan .

A la vue de ces images on peut dire que les premiers mécaniciens étaient des menuisiers et des charpentiers. En effet les premières mécaniques traitant les peaux furent en bois quelque peu armé de métal.

A Millau le nombre et l’importance de l’industrie de la peau et du gant a justifié pendant quelques décennies l’existence d’artisans spécialisés dans la menuiserie et la mécanique spécifiques du travail de la peau.

 le plus ancien document connu sur les tanneurs de Millau remonte au 13ème siècle
 En 1408 les odeurs de la tannerie incommodent les habitants
 En 1842, 22 tanneries traitent 200.000 peaux de veau.
 Au début du 19 ème siècle on compte 60 tanneries et chamoiseries, 20 fabriques de gants ( 2.000 ouvriers dont 400 gantiers pour 6.000 habitants).
 Fin du 19 ème siècle 20 tanneries et 70 ganteries soit 7500 ouvriers pour 18.000 habitants.
 20 ème siècle, 12.000 personnes vivent des cuirs et peaux à Millau.
 De 1919 à 1933, 76 ganteries dont 27 de 50 à 100 salariés et 36 entreprises familiales.
 En1963 6.500 personnes travaillent en ganterie
 En 1989 ,18 fabriques de gants emploient 300 salariés, et 9 mégisseries 400 salariés

D’autre part le numéro 1939 de la revue « Ganterie » relate l’état de la place peaussière de Millau à cette date :

 60 gantiers, 1 chamoiseur, 9 mégissiers, 13 teinturiers, 2 façonniers, 7 commissionnaires en peaux et laine, 5 marchands de peaux teintes pour ganterie, 19 outilleurs et accessoiristes dont 6 mécaniciens artisans et leurs compagnons, sans compter ceux employés dans les ateliers d’entretien des principales mégisseries de la ville.
Aujourd’hui : 3 mégisseries et 1 tannerie

 Michel Delmouly a établi un tableau significatif de l’évolution du travail de la peau à Millau. photo 9

 Ces quelques données démontrent la permanence de l’activité peaussière vitale pour la ville pendant plusieurs siècles mais, ce faisant, la ganterie de peau qui en est le symbole bien mérité de Millau n’a pas toujours été au premier rang des productions peaussières de la ville.

La finesse de fleur et la souplesse de la production millavoise ont toujours assuré la notoriété internationale aussi bien des peaux de veau , d’agneau que de pécari notamment.

Dans les années 1900 aux EtatsUnis les peaux de veau ciré de Millau étaient appelées les « fillettes de Millau », du fait de la douceur et de la souplesse de leur toucher.

Notre propos n’est pas de présenter les différents modes de tannage des différentes peaux traitées à Millau, mais comme la mécanique intervient dans presque toutes les phases de l’opération, nous devons les nommer pour décrire le matériel mécanique utilisé pour chaque chacune d’elle.

L’existence de ces machines date de la création de la mécanique appliquée, initiée par les savants Coriolis, Poncelet et Coulomb au milieu du XIX ème siècle.

A partir de cette période le bois à été presque entièrement remplacé par la fonte et l’acier dans les constructions mécaniques. Photo 10

A Millau c’est à cette époque que sont apparues les premières machines de tanneries et les premières machines à vapeur comme force motrice pour les entraîner. La force motrice à vapeur a été un progrès considérable donnant une plus grande autonomie d’installation des machines qui n’étaient plus liées à la turbine hydraulique ou à la force hypomobile pour être entraînées, et pouvait disposer de plus de puissance le cas échéant. L’importance de l’innovation était telle que la mention « machine à vapeur » figurait en gros caractères sur le papier en tête et les publicités de certains tanneurs. Comme si aujourd’hui on mentionnait « usine électrifiée ».

La force motrice à vapeur a vu naître les broyeurs, hachoirs et moulins à écorce ou à tan de conception nouvelle construites en métal, qui remplacèrent ceux en bois entraînés par la force hydraulique ou hippomobile.

Voici quelques exemples de machines à entraînement hippomobile ou hydraulique d’avant la force motrice à vapeur.

En 1851 au pont vieux à Millau il y avait 4 foulons à peaux et 2 moulins à tan.

A Creissels des foulons à peaux a marteaux et foulons a tan ont fonctionnés jusqu’en 1922, ainsi qu’un moulin foulon à peaux de chamoiserie jusqu’en 1930.

La complexité des modes de tannage pratiqués à Millau ne permet pas de préciser ici tous les usages d’une même machine, qui pouvait être utilisée pour différentes variétés de peaux à différents stades de divers types de tannage.

La plupart de ces machines sont toujours utilisées, modifiées par des conceptions mécaniques nouvelles, dont nous verrons l’évolution des débuts aux années 80 .

Ces principales machines mécaniques, sont :

Pelain et coudreuse, tonneau, foulon, ,enchauceneuse, sabreuse, délaineuse, écharneuse, effleureuse, scie à refendre, essoreuse, metteuse au vent, séche, palissonneuse, derayeuse, cadreuse, lisse, satineuse, liégeuse, doleuse, velouteuse, mesureuse, , laveuse de laine, presse à laine , moulins et broyeurs à écorce et à tan et différents outils à main.

En Europe plusieurs ateliers de construction de machines de tanneries sont crées, dont une à Paris en 1810, une à Modène en Italie en 1857, une à Ivry/Seine et une en Allemagne à cette même époque, une à Annonay en 1911.

A Millau la double apparition de la nouvelle force motrice et des machines de tanneries a généré les premiers mécaniciens. Certains étaient salariés des tanneurs et des mégissiers qui a partir de la peau brute livraient le produit tanné et teint. Les autres étaient des artisans indépendants qui avaient pour clients les différents façonniers de la place à savoir,les mégissiers, les teinturiers, les dérayeurs et les doleurs. Toutes ces peaux en cours d’élaboration traversait la ville en tous sens. Certains gantiers achetaient des peaux brutes ou semi-finies et les confiaient à ces façonniers en fonction de leurs besoins .
Ces innovations mécaniques concernaient à la fois la force motrice et le matériel qu’elle entraînait et ont généré deux sortes de mécaniciens, ceux qui se sont spécialisés dans les machines à vapeur et ceux qui ce sont spécialisés dans les machines de tanneries. La liaison entre la force motrice et la machine à entraîner a vue naître la mécanique de transmission le plus souvent assurée par le mécanicien des machines de tannerie. En suite est arrivée la force électrique qui a simplifié et modifié la mécanique de transmission .

Tous ces attendus ne doivent pas faire perdre de vue l’action des machines dans le procédé de tannage qui se compose généralement de trois stades : la rivière, le tannage, la teinture et les finitions, chaque stade comprend plusieurs opérations, dix huit environ de la peau brute au cuir tanné.

A savoir : rognage, reverdissage, écharnage, déchaulage, confitage, picklage, dégraissage, tannage, nourrissage, essorage, séchage, mise en humide, palissonage, teinture, lissage, satinage, mesurage avec presque autant de machines diverses que d’opérations a effectuer.

Le rognage consistait à éliminer au couteau les pattes la tête et la queue. Plus tard certaines mégisseries utilisaient des tapis roulants pour faciliter ce travail. Il y avait aussi les cas de peaux dépecées en manchons qu’il fallait ouvrir. Ce travail est aujourd’hui réalisé au laser.

Le reverdissage a pour but de rendre à la peau sèche ou salée son état tel qu’il était au dépeçage. Ce travail autrefois entièrement manuel ce faisait soit au fil de l’eau de la rivière, soit en brassant les peaux au moyen de pals dans des bassins bâtis dans les calquières . Les pelains et les coudreuses sont venus soulager les tanneurs. Photo 11

Pelains et coudreuses , de fabrication locale sont des cuves à fond semi-circulaire en bois ou en ciment équipées de pales tournantes en bois montées sur axes métalliques pour brasser les peaux dans des bains soit de reverdissage , de rinçage, soit de pénétration des produits destinés a faciliter le délainage etc.. Le travail des menuisiers ou des maçons précédant le travail des mécaniciens dans la construction de ces machines. Photo 12

Sabreuse : pour débarrasser les peaux de moutons des impuretés de la toison en cours de reverdissage au lieu de les « battre manuellement au fil de leau . Photo 13

Enchauceneuse : machine à enduire le côté chair des peaux avec un mélange liquide épais de sulfure de sodium et de chaux qui facilite le délainage. La machine travaille plus vite et plus régulièrement que l’épandage à la main.

Tout au long du tannage la peau et sa fleur sont extrêmement fragiles. On pourrait croire que le travail à la main, si pénible soit-il soit plus délicat et respectueux de la peau que ces grosses machines aux mouvements brutaux. Il n’en est rien, tous les dommages qui déclassent leur valeur elles les ont reçues du vivant de l’animal ou à l’abattoir ; ce sont les égratignures des flancs par les fils barbelés des clôtures, les traces de maladies de la peau comme la gale, l’éclatement de la fleur appelée « épétillure » due à la trop forte puissance des machines à dépecer les peaux d’agneau en abattoir ou les coutelures du fait d’un certain type de dépeçage manuel, ou bien par l’échauffe due à une mauvaise conservation.

Délaineuse ou éboureuse :

Son nom indique sa fonction, nous entrons ici dans le domaine des machines à cylindres lisses rugueux ou à lames hélicoïdales tranchantes ou non selon leur mission. Le cylindre sur lequel repose la peau est sur un support mue par un mouvement alternatif d’ouverture et de fermeture commandé par l’ouvrier.
Ici la peau est introduite entre plusieurs cylindres qui s’écartent et se rapprochent au moyen d’une pédale commandée qui présente la peau en 2 passages, elle ressort
débarrassée de sa toison qui selon le cas est prise sur un tapis roulant ou tombe dans un chariot. Les lames son non tranchantes et très lisses car la peau à ce stade de fabrication est très fragiles, les cylindres lisses sont enrobés de caoutchouc. Jadis la peau était étalée su un chevalet et le délainage se faisait en plusieurs passage du couteau à délainer à la main et la laine tombait au sol pour être reprise à la fourche.
Photos 15 , 16

Voici le principe des machines à cylindre. Photo 17

Voici différents types de lames pour cylindres.
Photos 18, 18 b

La laine étant un sous-produit pour le mégissier était lavée, essorée et séchée pour être vendue telle quelle. Photo 19

Echarneuse dont un fabricant à Millau : même configuration que la délaineuse pour éliminer les chairs mortes et la graisse restées sur la dépouille. Les lames du cylindre sont tranchantes et sont mécaniquement affûtées régulièrement. Ce travail est plus précis et moins pénible pour l’ouvrier autrefois penché sur son chevalet couteau à écharner ou à délainer en main à bout de bras. Photo 20

Un jour apparaissent sur les peaux d’agneau certaines égratignures d’un genre encore jamais vu dont on ignore l’origine. Un chef de fabrication me demande de vérifier l’ensemble des cylindres de ces machines, ce que je fais sans trouver quoique ce soit susceptible de blesser la fleur. Les recherches en mégisserie restent sans réponse jusqu’au jour ou on apprend qu’une nouvelle qualité de blé à paille dure vient d’être crée, elle égratigne la peau des agneaux sur leur litière . Cette qualité de paille a été crée afin que le vent ne puisse plus coucher les céréales ce qui rend la moisson difficile. Comme quoi ici bas tout est lié.

Scie à refendre : La refente des peaux en tripe ou tannées a été facilité avec une invention mécanique. les deux faces de la peau sont le côté fleur ou épiderme et le côté chair ou derme, la scie va séparer le côté fleur et une partie du derme du côté chair et appeler ce dernier une fois séparé la croûte. Les premières scies à la fin du 19ème siècle se composaient essentiellement d’une lame d’acier effilées et tranchantes légèrement plus longues que la largeur de la peau recevant un mouvement de va- et -vient manuel ; la peau en tripe étant tenue tendues sur une table par des des pinces tenues par les ouvriers.
Plus tard avec l’entraînement à vapeur sont apparues des machines plus perfectionnées : à savoir, la peau est présentées entre deux petits cylindres cannelés qui l’entraînent face à une lame circulaire tranchante qui sépare le côté fleur du côté chair . La lame est affûtée automatiquement en permanence . C’est une machine délicate et très précise qu’il est surprenant de voir travailler dans ce milieux. Il existe aussi un modèle de scie pour peaux tannées. La précision d’épaisseur est de 6 centièmes de millimètre ;

photos 22, 23, 24, 25, 26.

Efflereuse : utilisée notamment pour une fabrication disparue le « doeskin » faute de peaux dites de regord. Les meilleures provenances étaient issues de la Drôme. Il fallait une machine qui n’élimine que la fleur cette très fine péllicule appelée l’épiderme fortement attachée au derme pour obtenir une peau finement veloutée et douce que seules les peaux d’agneaux que l’on n’abat plus aussi petit aujourdhui permettait de fabriquer. L’effleureuse est une machine proche de l’écharneuse, mais la peau se présente la fleur face aux lames tranchantes. Les fibres de la peau sont d’autant plus fines qu’elles ont proches de l’épiderme, c’est pourquoi les velours sur fleur sont plus fins que les velours sur chair.

Tonneaux :de fabrication locale , en bois, de forme cylindrique, l’intérieur hérissé de chevilles pour bien brasser les peaux. Ils sont montés sur chaises, paliers, croisillons métalliques et système d’entraînement rotatif destinés a plusieurs usages selon leurs équipement et leur vitesse de rotation. Ils sont utilisés soit pour déchauler, confir, rincer les confits, pickler, dégraisser, nourrir, teindre etc. Comme pour les pelains et les coudreuses les menuisiers sont étroitement liés aux mécaniciens pour construire ces machines. Photo 27

Il est un mode de teinture que J.L.Carteyrade ne me pardonnerai pas de ne pas citer, ça lui laisse de trop bons souvenirs. c’était la teinture à la brosse pour laquelle la mécanique était impuissante et que seule la gestuelle précise et pénible du teinturier pouvait assurer d’un geste auguste sur une peau plaquée sur une surface bombée. Il s’agissait de ne teindre en noir qu’une face de la peau.

Foulons : Les plus anciennes mécaniques utilisées par les tanneurs étaient des caissons en bois, certains de fabrication locale utilisés par les tanneurs et les chamoiseurs pour assouplir la peau et faciliter la pénétration des traitements à l’huile à l’aide de maillets mobiles , entraînés soit par la force des moulins à eau dits moulins foulon soit par la traction animale, plus tard par la vapeur et le moteur électrique.

Photo 28

Metteuse au vent et essoreuse : Comme avec l’écharneuse et la délaineuse nous sommes en présence d’une machine à cylindres rotatifs et a mouvement alternatif. Le cylindre est à lames hélicoïdales non tranchantes. Pour la metteuse au vent le cylindre d’appui est revêtu de caoutchouc, pour l’essoreuse il est revêtu de feutre. Leur travail consiste à donner à la peau sa plus grade largeur, à la dérider et à en extraire le maximum d’humidité. Photo 29

Sèches : les peaux d’agneaux mégissées étaient accrochées en plein air sur la grave afin de sécher et de blanchir. D’autres peaux étaient accrochées dans des bâtiments spécialement aérés qui plus tard ont été équipés de ventilateurs électriques soufflant de l’air chauffé à la vapeur. Malgré l’arrivée de l’électricité, les chaudières continuèrent à fonctionner pour chauffer l’eau utilisée au tannage et générer l’air chaud des sèches. Photo 30

J’ai toujours trouvé bizarre le maintien de l’utilisation de le vapeur dont les 180° sont coûteux à obtenir et dangereux à véhiculer pour utiliser de l’eau a 30°.

NB : Exemple du maintien tardif des chaudière à vapeur du passé, celle des Ets Guibert frères utilisée jusqu’en 1980 environ et conservée comme témoin .

Palissoneuses : Les peaux au sortir de la sèche sont cartonneuses et doivent être assouplies. La mécanique là aussi a soulagé le travail de palissonneur en remplaçant la lame statique fixée verticalement sur un socle sur laquelle l’ouvrier impliquait à la peau fortement tenue à bout de bras par un mouvement de va et vient, par une roue à lames tournant sur laquelle l’ouvrier appliquait la peau, le mouvent des lames remplaçant le dur travail de va et vient de l’ouvrier équipé de manicles. La roue étroite appelée fonçeuse pour traiter la veine et le collet, la roue large pour traiter les flancs et l’ensemble de la peau. Photos 32, 33, 34, 35

D ’autres types de palissoneuses sont venues au cours des années s’adapter aux différents types de cuirs et peaux. Les palissons à bras pour le box- calf.

Les « lunetteuses »machines à cylindres à lames hélicoïdales ondulées non tranchantes et tapis cuir montés sur caoutchouc mousse , ainsi que les palissoneuses à tablier vertical. photo 36

Dérayeuse : Pour égaliser l’épaisseur de la peau et lui donner l’épaisseur désirée par l’utilisateur à l’aide de la lunette ou du couteau à revers .

La peau tendue maintenue verticalement entre deux barres de bois, est maintenue transversalement par l’ouvrier qui l’égalise avec la lunette de l’autre main. Plus tard est arrivée la dérayeuse, machine à cylindre à lames tranchantes automatiquement affûtées, le cylindre d’appui manoeuvré par le dérayeur au moyen d’une pédale lui laissant les mains libres pour diriger la peau et l’amincir à sa guise. photos 37, 38

Une pige à cadran lui permettant de mesurer l’épaisseur obtenue. Photo 39

Le dérayage produit de fines particules de peau volatiles et inflammables le « parun » qu’il y a lieu de stocker au sortir de l’aspirateur de la machine. les mécaniciens fabriquait un équipement constitué d’un sac de jute sur armature métallique, ou d’un caisson finement grillagé, ou d’une cuve à jets d’eau à l’intérieur pour les noyer et les envoyer à l’égout.

Doleuse, Ponceuse, meule : Plusieurs appellations selon la finition à obtenir sur le côté chair ou fleur de la peau travaillée en humide ou à sec. Ce sont des roues à limbe bombé en bois, aluminium, fonte ou minérales. Celles en bois fonte ou aluminium ont le limbe enduit de poudre de carborandum. La peau y est appliquée à la main munie d’une manicle.

Photos 40, 41

Velouteuse-Ponceuse : machine à cylindre garni de papier abrasifs travaillant sur toute la largeur de la peau par rotation et oscillation. Photo 42

Blanchisseuse : Après le tannage pour éliminer toute la matière grasse adhérant à la surface des peaux de veau et la lustrer. Ce travail au couteau à revers très difficile nécessitait des années d’apprentissage, il fut remplacé par le blanchissage à l’étire, donnant un résultat moins beau, mais réalisable après quelques mois d’apprentissage. La blanchisseuse mécanique des années 20 est venue suppléer cette manutention, elle ressemble à la dérayeuse mais le cylindre à lames et le cylindre d’appui sont différents.

Satineuse : Machine à cylindre chauffant pour obtenir une fleur très brillante, d’un brillant uniforme sur toute la peau, notamment sur les peaux d’agneaux dites plongées pour vêtements. Photo 43

Sans oublier les tables tournantes à cadrer sous infrarouge.

Presse à imprimer et pécarineuse : machine à imiter le grain de la peau de crocodile, de serpent, de pécari ou d’autres animaux sur des peaux d’agneau ou de veau au moyen de plaques gravées disposées dans une presse. Photo 44

Liégeuse : Pour assouplir la fleur des peaux des veaux mâles ( en tannerie toutes les génisses sont des veaux, n’y voir aucune allusion à la théorie du genre actuellement à la mode.) et leur donner un aspect agréable en faisant « monter de grain » selon l’expression consacrée . Ce travail effectué à la liégeuse à bras à été remplacé par la liégeuse mécanique.

Photos 45, 46

Lisseuse : de fabrication locale : Tambour en bois ou acier, tournant, garni d’un manchon feutre sur lequel on appuie la peau côté fleur pour la lustrer.

Il y avait aussi à Millau des mégisseries traitant les peaux de mouton façon dite double face, c’est à dire tannées avec la toison dites aussi peaux lainées. Ils utilisaient notamment deux machines spécifiques de ce travail qui sont la cardeuse et raseuse, ainsi que la plus part des machines communes au tannage.

Mesureuse ou piéteuse : les peaux s’évaluent par leur qualité et leur surface en CM2 ou en PIED2 , pour en mesurer la surface on utilise une machine à goupilles ou secteurs. Pour mesurer les petites peaux souples il faut deux ouvriers l’un d’un côté de la machine introduit la peau bien mise au large, l’autre la reçoit , lit la mesure sur le cadran et note la surface sur un coin de la peau. Photos 47 , 48, 49

Dans ces applications la mécanique à cédé le pas à l’électronique et nous sommes passés de la complexité des mouvements d’horlogerie au mystère simplificateur de l’électronique.

Le travail typique du mécanicien élargi à celui d’électricien au service de la tannerie c’est le montage, le réglage, la réparation ou la construction de ces machines et outils spécialement conçus pour le travail de la peau. Le lamage des cylindres est un travail typique de l’entretien, il consiste à extraire des rainures des cylindres les lames usées et les remplacer par des neuves en les fixant par de fines lamelles de cuivre recuit bloquées au marteau par le moyen d’un burin spécial. . Dans les premières machines en fonte certaines parties après usure n’étaient pas des pièces de rechange et devaient être réparées sur place, ce qui imposait d’aller à la machine muni d’une forge portative, et de tout l’outillage pour fondre sur place les coquilles des paliers en régule, ceci au pied de la machine, dans la carnace .Vous imaginez sans peine la diversité de spécialités requises pour entretenir, réparer, construire et entraîner ces différentes sortes de matériel. C’est ainsi que le mécanicien passe du travail de fondeur sur place à celui plus délicat d’entretien et de réparation de la mesureuse à celui d’installateur et de dépanneur électricien.
Les moteurs électriques ne sont arrivés qu’au début du xxème siècle et ont révolutionnés la rationalisation de la production en permettant le partage de la force motrice. L’emplacement des machines n’est plus tributaire de l’axe unique auquel elle est branchée au moyen de courroies de poulies, de pignons ,de chaînes et d’embrayages. Elles peuvent être implantées selon un plan rationnel de production. Même si des ensembles d’une même machine sont encore reliés à un seul arbre entraîné par un moteur électrique. Les moteurs électriques faisant partie intégrale des machines , les électriciens ont vu d’un mauvais œil les mécaniciens devenirs électriciens ; c’était le début du mélange des genres !!!. photo 50

Les mécaniciens au service de la peausserie se sont adaptés sans cesse aux nombreuses évolutions du matériel à construire et a entretenir conjointement aux évolutions du tannage . Au cours des siècles la tannerie a utilisé successivement, la force hydraulique au fil de l’eau, la force hippomobile, la force de la vapeur et la force électrique pour soulager le bras de l’homme, loin du tanneur penché sur son chevalet.
Depuis lors sont arrivés l’électronique et ses mystères mais notre regard sur le passé s’arrête à sa parution.

En fait, les machines-outils, la mécanique et les mécaniciens dite au service de la tannerie n’en sont pas les accessoires mais sont une partie intégrale de cette activité.

C’est pourquoi il était essentiel qu’une étroite collaboration existât entre mécaniciens et tanneurs afin que le matériel donne pleine satisfaction.

J’ai tenté de vous montrer ou de vous rappeler la complexité de cette merveilleuse métamorphose qui consiste à transformer une dépouille sanguinolente, crasseuse et putrescible en un produit noble utile et beau comme une paire de gants de Millau, de chaussures ou un beau vêtement et bien d’autres beaux articles dont beaucoup ignorent les arcanes de la fabrication.

Tout cela grâce au concours de beaucoup de travailleurs, de chercheurs, d’ inventeurs, de menuisiers, de chimistes, et de mécaniciens au service des tanneurs, des corroyeurs et des chamoiseurs pour le confort et le bien être de la société tout entière.

IL faut voir et revoir au musée de Millau le magnifique échantillon de « peaux de Millau » et le très beau film sur la mégisserie.
Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidé à préparer cette causerie .
 Jean Dupin pour la documentation ;
 Jean-pierre Azema, Michel Delmouly pour leurs
 publications .
 Maurice Labbé pour son étroite collaboration.
 Les divers auteurs des ouvrages consultés et les anciens du métier qui ont bien voulu vérifier la qualité de ma mémoire.

Je ne peux terminer sans vous inviter à lire ou a relire l’excellent ouvrage de Madame Elizabeth Baillon intitulé « La peau » aux éditions du Beffroi. Dans cet ouvrage la technique est présentée poétiquement et nous fait voir ce beau métier comme il est bon de le considérer sous un aspect inattendu ainsi qu’elle le décrit dans l’introduction ;

« Il y a de l’embaumeur chez le tanneur, mêlé du savoir de l’alchimiste, des astuces de cuisinier, de la volonté du forgeron. Mais c’est un vulcain des matières souples. »

Je vous remercie.

Paul Finiels. 2017.

Les illustrations photographiques de cette conférence se trouvent dans la deuxième partie

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La suite des documents photogaphiques liés à la conférence de Paul Finiels se trouve dans le portfolio (2ème partie)


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