LE DUC DE ROHAN
ET
LE SIEGE DE CREISSELS EN 1628

vendredi 10 décembre 2010
par  Webmestre

1/ LA VIE D’HENRI II DE ROHAN JUSQU’EN 1628.

Lorsque j’ai décidé de faire des recherches sur le siège de CREISSELS, je pensais m’en tenir strictement au siège, mais il m’a paru important de faire connaissance avec le personnage qui était venu avec sa troupe assiéger cette place forte.

Je ne l’ai pas regretté car j’ai découvert un être étonnant, à l’envergure exceptionnelle, qui mérite de notre part une grande admiration.

La vie d’Henri II de Rohan peut facilement se diviser en trois périodes :

- la première, de sa naissance à l’assassinat de son cousin Henri IV, le 14 mai 1610, ou plutôt, de son petit - cousin, puisque sa grand-mère, (Isabelle d’Albret) était la sœur du grand-père d’Henri IV ;
- la deuxième, de 1610 à la paix d’Alès, le 28 juin 1629 ;
- la dernière, de 1629 à sa mort, le 13 avril 1638.

Mais aujourd’hui, comme je vous l’ai dit, je partagerai la vie du duc en deux parties : avant et après le siège de CREISSELS de 1628. D’ailleurs, la vie du duc avant le siège de CREISSELS correspond à quelques mois près aux deux premières parties de sa vie que j’ai déjà citées et que je vais maintenant évoquer, mais bien sûr en ne rapportant que les faits les plus marquants.

Je vais commencer et d’ailleurs je terminerai aussi en citant Voltaire : « Avec tous les talents le ciel l’avait fait naître… » le 21 Août 1579, le jeune Henri appartient à une des plus anciennes familles de la noblesse française. D’origine bretonne, aussi ancienne que la famille des Capétiens, illustre depuis le XI ° siècle, elle est apparentée aux ducs de Bretagne, aux Stuarts d’Ecosse, et par les BOURBON-NAVARRE au roi de France lui-même, puisque Henri IV est un cousin éloigné d’Henri III le dernier Valois. Il faut ajouter qu’Henri de Rohan est l’héritier direct d’Henri IV au trône de Navarre jusqu’à la naissance du futur Louis XIII en 1601 !

Très intelligent, mais peu enclin dans sa jeunesse aux efforts scolaires, Henri de Rohan préfère les activités physiques. Il exerce son corps à la fatigue et aux privations, pour se préparer efficacement aux épreuves de la guerre. La guerre, il la connaît très jeune, puisqu’il a seulement 17 ans lorsqu’il suit Henri IV en campagne dans le Nord. Il participe au siège de Calais et l’année suivante, précisément le 25 Septembre 1597, il est présent lors de la prise d’Amiens.

La paix revenue, le jeune Rohan, je le cite « se voyant inutile » décide d’entreprendre un grand voyage à travers l’Europe. Il quitte Paris le samedi 8 Mai 1599. Durant les deux années qui vont suivre, son itinéraire va le mener successivement en Allemagne, en Italie, en Hollande, puis en Angleterre et en Ecosse. Il voyage en compagnie de son ami, Daniel DURANT, d’un médecin et de plusieurs domestiques. Ses hautes origines lui assurent partout un somptueux accueil car, je cite : « en quelque lieu d’Europe qu’il allât, il se trouvait parent avec ceux qui y régnaient ». Alors oui, il est vrai que le jeune Rohan touriste a apprécié la douceur de la campagne Toscane , il a été ému par l’agressivité sublime des cimes alpestres, il a été émerveillé par Venise qu’il appelle « le miracle du monde » et il a admiré bien d’autres sites, mais le Rohan militaire s’est surtout enthousiasmé devant les forteresses imposantes et les arsenaux bien approvisionnés des villes comme Dresde, Munich, Milan, Vienne (a résisté aux assauts des troupes de Soliman le magnifique en 1529) et surtout Venise (dont l’arsenal compte : 100 galères et de quoi armer 20 000 hommes). Il racontera plus tard, lors de son exil à Venise le récit de ses voyages. Mais le livre ne sera édité qu’en 1646, huit ans après sa mort.

De retour de voyage, Henri de Rohan semble promis à un bel avenir. En effet, il a les faveurs de son cousin Henri IV qui l’élève à la dignité de Duc et de Pair en 1603. Quelques mois plus tard, le roi lui fait épouser Marguerite, la fille de son ministre SULLY immensément riche. Enfin, il le place à la tête d’un des corps les plus prestigieux de l’armée française : les régiments suisses qui appartiennent à la Maison Militaire du Roi. Avec ses troupes suisses, Rohan va participer avec succès aux campagnes contre le Duc de BOUILLON et à celles de Flandres contre les Espagnols. Mais le 14 mai 1610, Rohan va perdre son protecteur, qu’il appelait Henri le Grand.

Dès la mort d’Henri IV, la France va entrer sous la régence de Marie de Médicis dans une époque incertaine et troublée. Mais surtout, l’Edit de Nantes si difficilement établi et promulgué le 13 Avril 1598 par Henri IV va être contesté par les papistes mais aussi par les protestants. Les querelles, les conflits, les affrontements se multiplient dans tout le royaume comme par exemple à Millau à la veille de la Noël 1614. Jacques FRAISSENGES nous a rapporté l’évènement : la nuit de Noël, un père jésuite et un pasteur se disputent et s’insultent, la situation dégénère et dans la nuit les Huguenots pourchassent les papistes, pillent les chapelles catholiques, foulent les hosties et se livrent à toutes sortes d’exactions. Cet épisode a eu un retentissement important dans toute la FRANCE au point que RICHELIEU l’évoque en termes apocalyptiques dans sa « Harangue contre les Protestants ». Durant cette décennie, les assemblées, les conseils, les réunions du parti protestant se succèdent et peu à peu au sein du parti l’influence et l’autorité de Rohan grandissent, si bien qu’il va devenir le chef de la résistance protestante. Pourtant, il reste tiraillé entre la fidélité à sa foi et le service du Roi. Un vrai personnage Cornélien.

Rohan le rebelle va mener trois guerres contre le roi de 1621 à 1629.

La première à cause de l’intervention de Louis XIII dans le Béarn en faveur des catholiques. Les opérations militaires se déroulent de mai 1621 à octobre 1622 et se terminent par la paix de Montpellier qui confirme l’Edit de Nantes. Mais cette paix est incertaine et précaire.

Les hostilités vont reprendre à la fin de l’année 1625, justement parce que la paix de MONTPELLIER n’est pas respectée. Elles se terminent rapidement quelques mois après, le 5 février 1626, par la paix de PARIS. Mais, cette paix n’est qu’un compromis qui ne durera pas longtemps.

En effet, Soubise, le frère de Rohan a débarqué avec le Duc de Buckingham dans la rade de LA ROCHELLE. Ce débarquement à la fin de l’été 1627, marque le début de la guerre franco-anglaise et celui de la 3ème et dernière révolte du Duc de Rohan contre le Roi de France.

Rohan doit combattre des forces bien supérieures aux siennes en hommes et en équipement. Il a contre lui trois armées royales. Au nord du Haut - Languedoc, Epernon l’empêche de porter secours à LA ROCHELLE. Le Prince de Condé le pourchasse dans le LANGUEDOC avec Montmorency et plus tard, Louis XIII en personne va descendre la vallée du Rhône. Son infériorité impose à Rohan une incessante mobilité, passant parfois, « quarante heures à cheval sans jamais débotter ». Il lance des raids vers des petites villes catholiques et obtient plusieurs succès. Mais les succès sont éphémères, car dès le printemps et durant tout l’été 1628, le Prince de Condé ravage le Haut – Languedoc et le Duc de Montmorency dévaste les environs de NIMES et d’ ALES, obligeant Rohan à se maintenir dans les Cévennes et le Rouergue.

C’est durant cette période que Rohan va venir faire le siège de CREISSELS.

Sceau d’Henri II de ROHAN

Armoiries de la famille de ROHAN : de gueules à neuf macles d’or, posés 3, 3, 3, (armes modernes), variante de gueules à sept macles d’or, posés 3, 3, 1, (armes anciennes). Le passage des armes anciennes aux armes modernes s’explique aisément par la modification de la forme des écus à partir du XIV° siècle : la pointe s’aplatit, l’espace vide ainsi créé est comblé par deux nouveaux macles.


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