4 - Conférence Claude Lacombe 4/4

mardi 9 août 2011
par  Martine Astor

DESCRIPTIONS DES DIVERS MOBILIERS DANS LE COURANT DU XXe SIECLE

Au début du XXe siècle, les modèles dit Henri II, inspirés de la renaissance, ont la préférence d’une majorité des foyers de cette époque. Si ce style s’adapte bien à une salle manger, on trouve aussi des chambres à coucher.

Buffet Henri II

A la fin de la première guerre mondiale la tendance est à la recherche du grandiose, c’est le style dit Louis XV rocaille, qui fut pour la période de l’entre deux guerres un style de référence : une ligne contournée à l’extrême, la surabondance de sculptures déchiquetées, des corniches immenses, en chapeau de gendarme, surmontées d’une énorme coquille évidée en son centre. Ces meubles sont décorés à outrance et d’une esthétique discutable, le fabricant préférant la difficulté de la réalisation à l’aspect de l’ensemble. Cependant la grande difficulté de la réalisation compense le manque de finesse du meuble. Le prix très onéreux de ces pièces ne les mettait qu’à la portée de familles aisées. Le fabricant aussi pouvait les réaliser pour son usage et aussi pour sa satisfaction personnelle. Il en faisait un témoignage de sa compétence.

Dans les années 1930-1940 des modèles se référant à l’art nouveau apparaissent.
Pour les salles à manger ce sont des buffets en noyer massif à 2 corps à 3 portes, celles des côtés sont droites ou légèrement cintrées, les sculptures ont peu de relief, ce sont des fruits pour les buffets et des fleurs (des roses plus précisément), pour les chambres à coucher. Les tables sont carrées avec des allonges, le piètement est en corbeille avec une entretoise un tube acier inox.
Les chaises sont à ressorts et garnies de crin végétal. Les dossiers sont en bois massif, sculptés et incurvés.
Vers 195O un mobilier entièrement plaqué, que les ébénistes définissent comme moderne, est en grande vogue. C’est la crainte de la pénurie du bois de noyer qui a poussé les décorateurs à développer cette fabrication.

Le style ART DECO des années 1930 n’a pas été très apprécié dans notre région. Modèles jugés trop originaux pour des clients qui considèrent que l’investissement en mobilier est fait au moins pour la génération ; ils préfèrent donc se meubler en mobilier classique qui ne se démodera pas et sans excentricité.

L’apprentissage le compagnonnage

Le compagnonnage est une excellente école de formation pour le jeune apprenti motivé, qui veut bien accepter certaines contraintes : séparation d’avec le milieu familial, discipline et obéissance. Il pourra, au cours de sa formation, acquérir une parfaite maîtrise de la profession qu’il a choisie. Les déplacements, le changement d’employeurs, seront pour lui l’occasion de découvrir de nouveaux horizons et d’acquérir d’autres méthodes de travail. La pédagogie de cette forme d’apprentissage est basée sur la transmission aux jeunes apprentis des connaissances acquises par des compagnons confirmés. En retour, ces jeunes s’engagent à transmettre l’expérience et le savoir qu’ils ont acquis aux générations suivantes. Pour assurer le succès de cette formation, l’apprenti se pliera à une discipline sévère, en acceptant le règlement contraignant qu’imposent les sociétés de compagnonnage. Le jeune doit pouvoir, en plus de sa journée de travail chez son patron, participer à des cours pour une formation théorique. Ceux-ci sont donnés par les tuteurs. De plus, il leur est demandé de participer à quelques menus travaux domestiques indispensables à l’entretien et à la gestion de « la maison du compagnon » où il séjourne.
Cette formation attire entre autres de nombreux candidats à l’apprentissage des métiers du bois, charpentiers, menuisiers ou ébénistes. Pour Millau, la société Mouysset est encore très impliquée dans le compagnonnage avec Daniel Mouysset, qui en est un responsable régional.
Il est intéressant de connaître plus profondément l’organisation de ces diverses sociétés qui, au cours des âges, ont formé des générations de compagnons parmi lesquelles se trouvent de grands artistes. Pour cela, il existe de nombreux ouvrages traitant du « compagnonnage ».
En visitant leur musée, qui se trouve à Tours, on découvre un nombre impressionnant de chefs-d’œuvre qu’ils ont réalisés pour l’acceptation de leur maîtrise. L’ensemble des métiers manuels est présenté, particulièrement ceux concernant le bois. On remarque, gravée sur une pièce de bois, une pensée de Paul Valéry : « La main de l’artiste est égale et rivale de sa pensée ». Concevoir un objet est bien, le réaliser est aussi bien. La conception et la réalisation vont de pair. Que vaut une conception si la main de l’artiste ne la façonne pas ? Si la tête a les dispositions créatives, la main a celles de l’exécution. Les deux sont complémentaires et indispensables l’une à l’autre.

Au XIXe siècle, le compagnonnage a connu une très grande activité et nombreux furent les compagnons qui ont œuvré pour l’évolution des conditions de travail très dures de cette époque. Un exemple nous est donné par Agricol Perdiguier, compagnon menuisier dit « L’Avignonnais-la-Vertu ».

Agricol Perdiguier

Agricol est né le 3 décembre 1805 à Morières, près d’Avignon. Son père est menuisier et il est le septième d’une fratrie de huit. Ses parents l’obligent à aller à l’école, il y reste 3 ans. Il sait juste lire, écrire et compter, mais il faut travailler. Il apprend le métier de menuisier chez son père. A 16 ans, il travaille chez un ami de celui-ci qui s’occupe des Compagnons du Devoir. Suivant les conseils de son entourage, en 1824, il commence son Tour de France en partant d’Avignon. Il est reçu compagnon à Montpellier sous le nom de « L’Avignonnais-la-Vertu » et quatre ans plus tard, le 24 août 1828, il termine son Tour de France.
A l’occasion de ses déplacements, malgré les exigences de sa formation professionnelle, Agricol s’instruit en lisant de grands auteurs antiques et classiques et s’informe sur les mœurs des habitants des villes traversées.
Il travaillera beaucoup aux rapprochements des différentes sociétés de compagnonnage qui s’opposent souvent en des luttes sanglantes, mais aussi à l’amélioration des conditions de travail de la classe ouvrière en général.
En 1839, il publie "le livre du compagnonnage". On sait que cela lui vaudra les inimitiés de certains compagnons.
Le 29 avril 1848, il est élu représentant du peuple dans le Vaucluse et aussi dans la Seine. Il choisira la Seine et il siègera à « La Montagne ».
Le 8 septembre 1848, il prononce un mémorable discours contre les 12 heures de travail journalier, ce qui lui vaudra, évidemment, la rancœur de la bourgeoisie de cette époque.
Le 13 mars 1849, il est réélu à l’Assemblé Législative.
Le 2 décembre 1851, après le coup d’Etat du Prince Président, il est arrêté avec de nombreux députés. Appréhendé à son domicile, il est dirigé au grand dépôt de la Préfecture en compagnie de Victor Hugo, Louis Blanc et d’autres.
Expulsé par décret, il rejoint la Suisse grâce à l’aide de George Sand. Là, il écrit "Les Mémoires d’un compagnon".
En 1856, il revient à Paris. Il donne quelques leçons de « traits » (dessins professionnels) et en 1863 repart en Avignon. En 1871, pendant la défense de Paris, il est nommé adjoint au maire du XIIe arrondissement.
Complètement démuni, il meurt le 26 mars 1875 d’une congestion cérébrale.
Il était devenu un proche de George Sand et ils ont entretenu pendant un certain temps une franche amitié ; mais, suite à des événements politiques, leurs rencontres s’espacèrent.
Dernièrement, à la télévision, au cours d’une émission consacrée à George Sand, il fut question de son ami le Menuisier Agricol.
Voilà l’exemple d’un jeune apprenti qui a mené une vie exemplaire, honorant son métier, affichant ses convictions sans préjugé, travaillant afin d’obtenir de meilleures conditions de vie pour ses contemporains. Illettré au début de sa vie professionnelle, il publia, par la suite, de nombreux ouvrages très appréciés par le monde de la littérature. Ses qualités d’orateur lui ont permis d’exposer clairement et vertement son point de vue à l’Assemblée Législative. A cause de ses luttes permanentes, il eut de nombreux détracteurs et mourut presque dans l’indigence.
Les compagnons perpétuent le culte de sa mémoire en venant, avec leurs insignes, cannes et couleurs, se recueillir sur sa tombe surmontée d’une ruche, au « Père-Lachaise », le jour de Toussaint.

J’étais jeune apprenti quand j’assistais à une discussion entre une brave mère de famille dont les fils étaient ce qu’on appelle des travailleurs manuels et un personnage pour qui l’activité intellectuelle est bien supérieure à tous travaux manuels, et qui prétendait que le développement de l’intelligence ne pouvait être que dans la formation intellectuelle. Après l’avoir poliment écouté, elle lui répondit du tac au tac : " Monsieur, sachez que le travail manuel n’a jamais déshonoré l’homme, mais que se sont des hommes tels que vous qui déshonorent le travail ". Sur ce elle n’attendit pas de réponse et offusquée elle tourna les talons.

Conclusion

Nous pourrions donc conclure qu’à cette époque les journées de travail étaient longues et souvent pénibles. Les ouvriers savaient cependant se ménager des moments de convivialité, partagés avec leurs compagnons de travail ou leurs confrères. Nous pouvons encore, de nos jours, voir, apprécier, et aussi admirer les réalisations qui leurs ont survécu. Sachons découvrir, au travers de ces ouvrages, leur valeur artistique et reconnaître la dextérité dont faisaient preuve ces ouvriers dans l’exécution de leur travail. On ne peut que constater qu’ils y mettaient toute leur conscience professionnelle, ainsi que leur amour du travail bien fait. Combien d’heures de labeur, passées dans des conditions souvent difficiles, représentent l’exécution de ces divers ouvrages ! Le temps consacré à leur réalisation ne comptait guère, seul le résultat final devait donner pleine et entière satisfaction.
De nos jours, on a tendance à sacrifier l’esthétique et la qualité au profit de la rapidité, beaucoup plus rentable. De plus en plus, il est demandé à la machine l’essentiel de la réalisation avec un minimum d’intervention de la part de "l’ouvrier". On ne peut que souhaiter que les futures générations prennent conscience de cette situation. Sans retomber dans la nostalgie du passé, servons-nous de l’outillage mécanique moderne pour exécuter les tâches pénibles et fastidieuses. C’est toujours à « l’Ouvrier » que l’œuvre devra son esthétique, son équilibre et sa finesse. En laissant à la machine la plus grande partie du travail, on ne pourra qu’obtenir une réalisation froide, sans originalité et sans âme. On va perdre, petit à petit, les méthodes et les tours de mains que l’on s’est transmis de génération en génération.



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4 - Conférence Claude Lacombe 4/4
mercredi 19 juin 2013 à 09h23 - par  cisbafincals1979

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