DÉCEMBRE A L’ECOLE CLAUDE PEYROT

dimanche 8 janvier 2012
par  Martine Astor

DÉCEMBRE A L’ECOLE CLAUDE PEYROT

Lo paure pastre

Dessin de Charly Barthe

Lo paure pastre est un nadalet ancien recueilli d’oreille sur un cahier d’écolier et que nous avons transposé en occitan normalisé.

  • Lo paure pastre somelhava
  • Dins sa cabana tot solet.
  • Del temps que somelhava
  • Entendèt un sonet.
  • L’angion que l’apelava :
  • « Leva-te pastorelet !
  • Aquò’s un angion que t’apèla !
  • Leva-te d’alai qu’as pron jagut !
  • Las novèlas sont bonas :
  • Lo Bon Dieu es nascut !
  • Las novèlas sont bonas :
  • Aquò’s nòstre salut.
  • - Que jairai ieu ! mon bon angion.
  • N’abandonarai pas mon tropèl !
  • Lo lop es devorable.
  • Manjariá qu’aquèl anhelet,
  • En un cas, soi lo responsable
  • De tot aquèl tropèl !
  • - Aquesta nuèch sanctificada,
  • Dieu es nascut, o gardèt tot.
  • Quita quita ta cabana !
  • N’ajas pas paur del lop.
  • Anem alai totes dos.
  • - Que dirai ieu, ò mon bon angion ?
  • Que dirai ieu, quand dintrarai ?
  • S’os me volètz ben dire...
  • Vos dirai bravament...
  • Si me volètz ben dire...
  • Soi paure ignorent !
  • - Quand dintraràs dins l’estable
  • T’i botaràs d’aginolhons.
  • Diràs : ″Dieu adorable
  • Ai tot quitat per vos
  • Vos sètz lo veritable.
  • I a pas de Dieu que vos...″ »

Al cant de las Tempolas (1),
la piòta de Nadal

La dinde de Noël

(Lo Milhautenc a taula. Escòla Claudi Peiròt). Amb un fun de pensadas per Jòrdi Girard

« Setanta-nòu … Cinquante-tres… Trenta-uèch… Sièis.
Bolega ! » La quina (ai jamai poscut dire « lo » quine, ieu), la quina acampava un molon de monde que s’esquichavan dins la sala del café. Quinta estofadoira ! Lo fum del tabat, la calor, la flaira de la polalha e de la susor… Ambe Papeta e Mameta aviàm poscut nos acantonar ras la banca, sarrats coma de sardas. Urosament i aviá pas Virgina… e son tafanari ! Crompèrem nòstres dos cartons cadun e sortiguèrem de las pòchas los favaròts per la marca.
Polita, lo cridaire, la man dins lo sac, pescava los numeròs. Per dacun n’en sabiá l’escais… « Onze, la doas cambas… Vint, sans aiga… Un, tot sol… Trente-tres, los dos bolsuts… ». Papeta romegava de veire son carton vuèg. Mameta, ela, se risiá tota sola. « Vint-e-dos, las doas galinas… - Sortís-lo ! » bramèt mameta que deja teniá la quaterna2. Mas n’i aviá fòrça coma ela que sisclavan tanben « Sortís-lo ! ». « Quaranta-nòu » rondinèt Polita. Ara, dins lo silenci de l’espèra se bufet un soscal que ne disiá long. « Nonanta, lo papeta canta… - Quina ! » E mameta se quilhèt en brandiguent son carton. La piòta èra per ela… e per nautres : tombava a pic per Nadal !
Qu’èra brava, aquela piòta ! Un còp plumada, qu’èra redonda, trossada naut e bardada de lard ! Tata Virgina desoblidèt pas de la perfumar en li trissant la trufa negra qu’aviàm gardada de la darrièira culhida. Atanben, quand la sortiguèrem del forn, lo grais, coma de perlas beluguejantas, lugissiá sus son esquina daurada e una sentor de Paradís faguèt salivejar tota l’ostalada .
Vos n’en soète la parelha !...

E BON NADAL A TOTES !

Proverbes du mois

Les cèpes de Noël (Photo Martine Astor).
  • 1) Poda d’Avent
  • Fa beure plus sovent.
  • 2) I a pas de Nadal sens anhèl
  • Ni de Pascas sens aucèl.
  • 3) Per Nadal
  • Planta ton alh.
  • 4) Que per Nadal se sorelha
  • Per Pascas gasta sa lenha.

Le pauvre berger

  • Le pauvre berger sommeillait
  • Tout seul dans sa cabane.
  • Du temps qu’il dormait,
  • Il entendit un appel ;
  • Le petit ange l’appelait :
  • « Lève-toi, petit berger !
  • C’est un petit ange qui t’appelle !
  • Lève-toi de là car tu es assez resté couché !
  • Les nouvelles sont bonnes :
  • Ceci est notre salut.
  • - Moi, je resterai couché !
  • Mon bon ange
  • Je n’abandonnerai pas mon troupeau !
  • Le loup est affamé ;
  • Il ne mangerait que ce petit agneau,
  • Je suis, de toute manière, le responsable
  • De tout le troupeau.
  • - Cette sainte nuit
  • Dieu est né et préserve tout ;
  • Quitte, quitte ta cabane !
  • N’aie pas peur du loup.
  • Allons-nous-en là-bas tous les deux.
  • - Que dirai-je, ô mon bon ange ?
  • Que dirai-je quand j’entrerai ?
  • Si vous voulez bien me dire…
  • Je vous dirais tout bonnement…
  • Si vous voulez bien me dire…
  • Je suis un pauvre ignorant !
  • - Quand tu entreras dans l’étable
  • Tu t’y mettras à genoux.
  • Tu diras : « Dieu adorable
  • J’ai tout quitté pour vous.
  • Vous êtes le seul véritable.
  • Il n’y a de Dieu que vous…. »

Au chant des Tempoules1
(ou Nadalets), la dinde de Noël

(La Cuisine traditionnelle à Millau. Ecole Claude Peyrot).
Avec une pensée émue pour Georges Girard ;
la publication de ce texte lui est dédiée.

« Soixante-dix-neuf… Cinquante-trois… Trente-huit… Six.
Remue ! » La quine (je n’ai jamais pu dire « le » quine, moi), la quine avait rassemblé une foule de gens qui s’écrasait dans la salle du café. Quel étouffoir ! La fumée du tabac, la chaleur, la forte odeur de la volaille et de la sueur… Avec papète et mamète, nous avions pu nous réfugier dans un coin près du comptoir, serrés comme des sardines. Heureusement, il n’y avait pas Virginie… et son gros derrière. Nous avons acheté nos deux cartons chacun et sorti de la poche les haricots pour « marquer ».
Hippolyte, le crieur, la main dans le sac, pêchait les numéros. Pour chacun d’eux, il en connaissait le surnom… « Onze, les deux jambes… ; vingt, sans eau… ; un, tout seul… ; trente- trois, les deux bossus… ». Papète ronchonnait de voir son carton vide. Mamète, elle, riait toute seule. « Vingt-deux, les deux poulettes… - Sors-le ! » cria mamète qui tenait la quaterne2. Mais il y en avait beaucoup d’autres comme elle qui criaient aussi « Sors-le ! ». « Quarante-neuf » grogna Hippolyte. Maintenant, dans le silence de l’attente, s’exhala un soupir qui en disait long. « Quatre-vingt-dix, le papète chante… - Quine ! ». Et mamète se dressa en agitant son carton. La dinde était pour elle… et pour nous aussi : elle tombait à point pour Noël !
Qu’elle était belle, cette dinde ! Une fois plumée, qu’elle était dodue, troussée haut et bardée de lard ! Tata Virginie n’oublia pas de la parfumer en y coupant la truffe noire que nous avions gardée de la dernière cueillette. Aussi, quand elle sortit du four, la graisse comme des perles scintillantes, luisait sur son croupion doré et une odeur de Paradis fit saliver toute la maisonnée.
Je vous en souhaite de même !...

ET BON NOËL A TOUS !

1. Tempoules : de l’occitan tempolas, est une variante de temporas « changement de saison ; au sens religieux : période de trois jours jeûnés (mercredi, vendredi, samedi) de la première semaine de chaque saison » spécialisé ici à la désignation des Temps de l’Avent (du latin adventus, venue, venue du Messie) désignant les 4 semaines précédant Noël.
Sonar Tempolas : pour parler de la sonnerie de cloches des jours précédant Noël. On connaît aussi en ce sens le terme de Nadalet.

2. Quaterne : sur le carton de quine, rangée où 4 numéros sur 5 sont déjà sortis.

Proverbes du mois

  • 1) Taille d’Avent
  • Fait boire plus souvent
  • (La taille de la vigne dans la période précédant
  • Noël [l’Avent] permet de récolter plus de vin.)
  • 2) Il n’y a pas de Noël sans agneau
  • Ni de Pâques sans oiseau.
  • (De nos jours, la période des agneaux
  • est repoussée après décembre : janvier, février)
  • 3) Pour Noël
  • Plante ton ail.

Quine !

La racine de « quine » (quina occitan) se trouve dans le latin quinas qui, dans la déclinaison, était l’accusatif féminin pluriel de quini distributif signifiant « par cinq », comme on dit « une douzaine » pour les œufs.
Le féminin de quina occitan que l’on retrouve dans notre français régional « une quine » trouve donc son origine dans la racine latine. C’est donc sous une influence inconnue que le français « le quine » est devenu masculin.
En ancien français « quine » hésita beaucoup entre les deux genres. Il désignait un jeu où l’on se servait de dés.
Quand les deux dés du jeu de trictrac, lancés simultanément, font apparaître deux nombres égaux ont donne une appellation spéciale à ce doublet : bezas pour doublet de 1 ; ternes pour doublet de 3 et quines pour doublet de 5.

L’ECOLE CLAUDE PEYROT RECHERCHE

En prévision d’une étude complète sur le sujet si intéressant des noms de fantaisie donnés aux nombres lors des quines afin qu’ils soient bien compris de tous, l’Ecole Claude Peyrot s’adresse aux lecteurs qui pourraient nous faire connaître d’autres noms non cités dans le texte ci-dessus, que ce soit dans des quines de Millau ou de tout autre ville ou village de l’Aveyron et départements limitrophes.
Envoyer un courrier à la Société d’Etudes Millavoises, Ecole Claude Peyrot,
16 A, boulevard de l’Ayrolle, 12100 Millau
(bien préciser le lieu où se déroulait le quine)

La boucle est bouclée

En ce mois de décembre, la boucle de nos pages de l’École Claude Peyrot est à ce jour fermée. Il faut remercier tous ceux qui ont activement participé à ces pages, depuis ceux qui ont travaillé du stylo jusqu’aux concepteurs graphiques. Et nous ne remercierons jamais assez toutes celles et ceux qui ont lu avec intérêt, cette année durant, ces pages consacrées à notre culture locale, à nos auteurs, à notre patrimoine en général et à notre patrimoine humain en particulier.
L’École Claude Peyrot est un lieu de mémoire, un lieu où se recueille, se préserve et se font jour des paroles et des écrits que nous ne nous lasserons jamais de faire connaître. Des textes qui nous parlent de notre terroir, de nos villages et de notre ville en occitan et en français en écho à ceux qui veulent s’enraciner dans notre culture, en français et en occitan en écho à notre pays qui est le meilleur garant de notre expression.
Mais l’École Claude Peyrot est aussi une simple école où chacun d’entre ses membres s’efforce, avec humilité, de se préserver des écueils d’ordre graphique ou syntaxique en occitan. Malheureusement, les impératifs de rapidité de publication ont fait que, parfois, notre vigilance est prise en défaut. Nous en sommes conscients et nous prions nos attentifs lecteurs de bien vouloir nous en excuser.
Nous continuerons, l’année durant, à alimenter ces deux pages mensuelles avec la foi qui nous meut. Que nous demeurions toute l’année durant de fidèles et bons élèves du maître Claude Peyrot dont nous nous réclamons ; c’est pour nous le but principal de notre démarche. Ce but atteint, nous savons que tous les autres (partage des connaissances, amour du pays,…) le seront aussi.

L’ECOLE CLAUDE PEYROT EST UN ATELIER DE LA SOCIÉTÉ D’ETUDES MILLAVOISES. Cet atelier se réunit chaque mardi de 16 heures à 18 heures au local de la SEM, 16 A, boulevard de l’Ayrolle.

Pour bien lire l’occitan

Quelques petites clés pour l’occitan :
1.Le a final et le ò (accent grave) se prononcent o ouvert (celui de « pomme, pôle »).
Le a au milieu d’un mot se prononce a comme en français (encara « encore » se prononce encaro).
2. Le o (sans accent) se prononce « ou » comme dans « clou, caillou, chou ».
3. Le lh et le nh se lisent ill et gn (comme dans « fille » et « vigne »).
4. Le e sans accent se prononce é. Il n’y a pas de e muet. On prononce è quand il y a un accent grave.
5. Le u se prononce u comme en français. Mais s’il est précédé d’une voyelle, il se prononce « ou ». Exemple : clau « clef » prononcé claou, nèu « neige » prononcé néou.
6. Le n final n’est pas articulé. le mot vin « vin » se prononce bi et le i n’est pas nasalisé.

De toute manière, les personnes qui parlent tant soit peu l’occitan ont tout intérêt à le lire à haute voix. Leur propre langue les guidera vers la prononciation la plus appropriée.


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